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26 septembre 2018

2 - La Divergence

Les plus avisés ne se laissent jamais regarder dans les yeux.
Mais, il est bien d’autres manières de franchir ces portes.
 
भेड़िया

Bonjour, Chandra m’appelle Bhediya, et je viens d’entrer dans ton cerveau.
Bhediya, franchement, désigner un individu par le nom de son espèce – apparente dans mon cas – dénote de la part de Chandra un manque total d’imagination ; pourtant sur certains sujets, il en déborde. Ou alors serait-ce qu’il ne souhaite pas créer de lien personnel ? Ce qui démontrerait qu’il n’a pas la moindre idée de ce qui nous attend.
J’ai un nom, bien entendu, comme la plupart des créatures, mais je ne te le confierai pas. En effet, connaître le nom d’un être, d’une chose, d’un élément ou d’un phénomène, donne un grand pouvoir à celui qui sait s’en servir. Les yeux sont les portes par lesquelles on peut pénétrer en toi. En revanche, le nom est la croix d’attelle, dans la main de l’initié, pour faire de toi une marionnette. Plus il est puissant, plus il y a de fils qui te lient à son contrôle.
Tu ne me crois pas ? Pourtant, je suis bel et bien là, dans ta tête ! J’y suis entré par tes yeux !
Les fermer n’y changera rien, bien au contraire. Secouer la tête non plus.
Plonge-toi plutôt dans ce souvenir.
C’est le milieu de l’hiver sur An t-Eilean Sgitheanach, le soleil s’est couché il y a une demi-heure. Il n’a pas neigé depuis deux jours sur Na Beanntan Dearga entre le Loch Sligachan et le Loch Ainort. Tu trottes le long de Teanga Mhòr. Le sentier est complètement déneigé, car une vingtaine de personnes l’ont emprunté il y a… hum ? Environ une heure. Parmi les effluves qu’elles ont répandus, tu flaires sa senteur. À la fin de la crête, la sente tourne à gauche, s’orientant nord nord-ouest. Tu grimpes le raidillon 1.
Tu quittes le chemin alors qu’il longe Allt Bealach na Sgairde2 et vires plein nord, vers la passe entre Beinn Dearg Mhòr et Sgùrr Mhàiri. Puis, tu obliques à droite, entamant l’ascension de la face nord-est, la pente y est forte. Plus loin, tu tournes à gauche, suivant un replat horizontal qui te mène, après avoir traversé la sente qui descend du sommet vers la passe, devant une grande pierre de granite plate, nue, qui irradie. Située à une cinquantaine de pas du sentier, tu sais que par cette belle journée, le soleil l’a chauffée de onze heures à son coucher.
Depuis que tu as quitté le chemin, tes pattes ont laissé une piste dans la neige vierge épaisse de deux pouces.
Un frisson parti de la base de ta nuque parcourt ton épine dorsale jusqu’à ta queue, débarrassant ton pelage des flocons que le vent y a déposés. Tu te couches sur la pierre qui restitue le rayonnement qu’elle a emmagasiné. Malgré ta fourrure qui te protège du froid, en hiver, toute chaleur est bonne à prendre. De cette position bénéficiant d’un dénivelé négatif, tu jouis d’un excellent point de vue sur Bealach na Sgairde. Bien que ce soit la nouvelle lune, tu distingues nettement la quarantaine de personnes réunies autour du feu qu’ils ont allumé. Sa fragrance allèche ta truffe.
Tu pousses ton parfaitement identifiable pour signaler ta présence.
Non pas à tes congénères, mais à elle.
À présent, remémore-toi ce moment important d’une autre vie.
∞ ∞ ∞
Ce jour est celui de la Subhachas Imbolg3. Fêtant le retour de la lumière, il symbolise l’accès à la connaissance et à la sagesse, il permet d’aborder une nouvelle vie. Cette journée est très importante pour toi, c’est ton dernier jour sur An t-Eilean Sgitheanach. Demain, tu rentres en Shanyl, mais surtout le deas-ghnàth inbhe de ce soir marquera ton accession au titre de fàidh.
Partie du Gleann Sligeachan avec une vingtaine de Dòmhnallach, la ban-draoidh et ton mhaighstir-fàidh, tu as mis une heure et demie pour atteindre Bealach na Sgairde. Au milieu du col, d’une acre soixante-quinze, situé à mille trois cents pieds d’altitude, flambe un feu allumé par les Mhic-ùin arrivés du Gleann Torra-Mhichaig en cheminant le long d’Allt Mòr Doire Mhic-ùin pendant un mile avec le draoidh et le bàrd. Les Dòmhnallach déposent les fagots et les victuailles qu’ils ont apportés à côté de ceux des Mhic-ùin.
Après force embrassades, le deas-ghnàth va commencer, le draoidh jette du gui dans le brasier. À cet instant, le s’élève.

Tu souris, c’est pour toi qu’il est venu, c’est à toi qu’il s’adresse. Tu examines la face nord de Beinn Dearg Mhòr, tu sais où il est. C’est toujours du même endroit lorsqu’il t’observe à ce caim. L’absence de lune t’empêche de le voir, mais tu le devines noir comme la nuit qui te couve des yeux.
Il était présent à près de la moitié des deas-ghnàthan auxquelles tu as participé.
Tu lui as donné le nom du chemin qu’il emprunte pour venir au caim, Teanga Mhòr. Ce nom l’amuse.
La première fois, c’était pour ton accueil, le jour de ton arrivée dans l’île, il y a six ans. Après avoir chanté, il n’a fait qu’effleurer ton esprit, te souhaitant la bienvenue. Aujourd’hui, tu es heureuse qu’il soit là. Il le sait. La sérénité t’envahit. Tu l’en remercies.
La ban-draoidh allume des torches au brasier, et les distribue aux femmes et aux hommes présents qui se répartissent sur le périmètre du caim.
Le draoidh tourne le dos au brasier face à l’est. Il vénère l’air, le vent, l’aurore, la respiration, puis entame une rotation autour du brasier.
Il tourne le dos au brasier face au sud. Il vénère le feu, la chaleur, le jour, le rayonnement, puis continue sa rotation autour du brasier.
Il tourne le dos au brasier face à l’ouest. Il vénère l’eau, le Sidh, le crépuscule, puis continue sa rotation autour du brasier.
Il tourne le dos au brasier face au nord. Il vénère la terre, le minéral, le froid, la nuit, puis termine sa rotation autour du brasier.
Dos à l’est, il fait face au brasier et vénère le Gwyvre, étincelle de vie, vibration créatrice.
Puis, avec la ban-draoidh, le fàidh et le bàrd, ils brulent à nouveau du gui.
Le bàrd appelle Yoric, qui approche solennellement. Il est vêtu de la tunique blanche et du long manteau cérémonials.
∞∞
Tu souris à nouveau, Yoric… le beau Yoric fut ton premier amant. C’est ici – à ta demande insistante et au grand dam de Yoric – à mi-chemin entre les deux gleanntan, qu’eut lieu cette première fois.
Teanga Mhòr était là, bien que ce soit un deas-ghnàth très intime, il est plaisant de considérer que c’en était un.
Tu angoissais un peu. Yoric avait la réputation d’être le meilleur élève de la ban-draoidh en initiation sexuelle.
Teanga Mhòr, à cette unique occasion, te contacta sans t’avoir avisé par son chant, laissant Yoric dans l’ignorance de sa présence. Il insuffla en toi la confiance et l’assurance nécessaires à tirer beaucoup de plaisir de cette mì-dhreachaich, et à en donner suffisamment à Yoric pour qu’il vante ton talent.
∞∞
Son mhaighstir lui ceint la tête de la couronne de feuilles de chêne, annonce à la communauté que Yoric a terminé son initiation, c’est maintenant un bàrd. Il lui souhaite d’être inspiré par Bridig.
Yoric jette du gui dans le brasier et conte l’histoire de Bran bheannaichte.
C’est ensuite ton mhaighstir qui t’appelle. Tu t’approches, vêtue de la tunique blanche, il te ceint la tête de la couronne de feuilles de chêne, annonce à la communauté que tu as terminé ton initiation. Tu es maintenant une fàidh, qu’une grande destinée attend. Il t’invite à réciter la création selon le dire de Dana.
Teanga Mhòr arrête l’afflux sanguin qui se dirigeait vers tes joues et te rend ta sérénité. Tu jettes du gui dans le brasier et récites :
« Avant, il n’y avait rien.
Ni matière.
Ni espace.
Ni mouvement.
Ni temps, donc il n’y avait ni présent, ni passé, ni futur.
Donc, cet “Avant” n’existait pas.
Une singularité apparut. Elle contenait tout. »
Le draoidh, la ban-draoidh, le fàidh, le mhaighstir bàrd, et le bàrd Yoric répondent :
« Avant, il n’y avait rien.
Une singularité expulse Dana.
Dana est née. »
Tu reprends :
« Cinq dimensions se libérèrent :
la longueur,
la largeur,
la hauteur,
la divergence,
le temps.
C’est à cet instant que l’“Avant” naquit. »
Ils répondent :
« Croître !
La pensée est née.
Le désir est né.
La volonté est née.
L’action est née, l’univers se dilate. »
Tu continues :
« Dana joue avec les forces, elle les sépare.
Dana fabrique les premières briques.
Dana diversifie ses briques.
Dana assemble les briques pour former la matière. »
Ils répondent :
« Dana a semé, le temps doit faire son œuvre, elle entre en stase… »
Tous les six, vous jetez du gui dans le brasier.
La Subhachas Imbolg et le festin peuvent commencer.

J’ai besoin d’un peu plus de temps, alors immerge-toi dans celui-là.
∞ ∞ ∞
Éveil. Tu ouvres les yeux dans les premières lueurs de l’aube. Tu distingues de l’éteule, tu prends pied dans la réalité. Tu es seul, comme chaque matin depuis ton emménagement dans la chaumière. La vue du désordre qui règne sur la couche fait naître l’esquisse d’un sourire aux coins de tes yeux. Alors, tu réalises que tu es aussi tendu que si elle était offerte devant toi. Tu te lèves, sors nu de la maisonnette et parcours les quelques toises qui mènent au lac, dans lequel tu pénètres jusqu’à la taille. La fraîcheur fait son œuvre, elle provoque l’érection des poils de ta peau, lui donnant l’aspect « chair de poule », et fait disparaître la tienne. Baigné, tu retournes à la chaumine.
Tu t’essuies, enfiles un pajāmā, un kurta, des bottes. Tu te rends au puits, tires un seau d’eau, remplis le gobelet que tu avais pris soin d’apporter, en bois le contenu. Tu te diriges vers la table extérieure et y poses ton godet. Tu t’assieds sur le banc, dos contre la table, faisant face à l’est, avec le lac devant toi. Ta main passe dans tes cheveux mouillés, rencontre la larme d’ange qui pend de ton oreille gauche au bout des quatre maillons d’une chaînette en or. Tes doigts se referment sur les soixante-douze facettes du diamant rose.
L’image de Vasikari s’impose à toi.
∞∞

Pour ton quinzième anniversaire, la Mahārājñī Dalaja avait invité des devadāsiyāṃ4 de Thanjavur en pays tamoul. Parmi elles, la jeune Vasikari, âgée de dix-sept ans, avait la charge de t’initier aux plaisirs du congrès. Après avoir satisfait au raṅgabhoga par les danses rituelles et les chants, elle délaissa le sari pour le lelengha, sous le regard désapprobateur de ses aînées. Mais, aucune n’osa lui reprocher de revêtir la tenue traditionnelle rājasthānīe, composée d’une ample jupe reposant sur les hanches et d’un choli couvrant la poitrine et les épaules.
Espiègle, elle t’aguicha toute la soirée. Tu étais obnubilé par la peau si foncée de son ventre nu. Lorsque vint l’heure de l’aṅgabhoga, elle prit ta main puis te mena dans sa chambre où, ne cessant de plaisanter, de te taquiner. Elle te déshabilla, te poussa sur le lit sur lequel des coussins avaient été disposés afin que ton torse et ta tête soient légèrement surélevés. Toujours en babillant, elle ôta son choli, fit glisser sa jupe. Ton désir manifeste grandit encore à la vue des bhagoṣṭha si sombres, formant la porte de son joyau. Elle monta sur la couche, s’agenouilla à califourchon sur tes cuisses. Tandis que ton cœur battait la chamade, elle se saisit de ton liṅgaṃ, elle avança, amenant son yōnī à son contact. T’ayant invité à admirer son intimité, à l’aide de ton liṅgaṃ, elle écarta ses bhagoṣṭha. Ébloui devant le khalāḍī rose vif duquel dépassait légèrement le gland humide gorgé de sang de son bhagaśepha, brillant tel un diamant exposé sur un velours noir. Emporté par une vague brûlante de plaisir, tu te répandis aussitôt sur l’objet de ta convoitise. Provoquant l’éclat de rire joyeux de Vasikari qui te fit lever les yeux vers les siens qui pétillaient de gaieté. Elle déposa un baiser sur tes lèvres puis entreprit de faire renaître ton désir.
∞∞
À cette évocation, le sang regagne les cavités que le froid lui avait fait abandonner. Avec un soupir, tu te remémores la conversation que tu as eue avec ta mère le lendemain.
∞∞
La Mahārājñī souriait, indulgente, en t’écoutant décrire avec gourmandise, sans la moindre pudeur, tes découvertes de la nuit. Son jaghanarom nu et lisse comme celui d’un bébé, « Elle s’est préparée pour toi, s’est débarrassée de sa toison avec de la cire d’abeille, puis elle a oint son jaghanarom et ses bhagoṣṭha avec des onguents et des huiles parfumées – toujours différents – six fois par jour pendant les quatre jours précédant son arrivée », affirma-t-elle. Tu vantas la fermeté de sa jeune poitrine, le goût de ses lèvres, la douceur de ses mains, et autres émerveillements. Elle fronça les sourcils lorsque tu l’informas de ton souhait d’offrir à Vasikari une paire de boucles d’oreilles en diamants rendant hommage à son fabuleux bhagaśepha.
« Chandra, mon enfant, n’est-ce pas exagéré comme cadeau ?
— Māṁ, jamais un bijou ne pourra égaler le joyau que cache son yōnī.
— Priyā, toutes les femmes ont un tel joyau.
— Oh ! Māṁ, pas comme le sien, pas d’un rose si vif. Même si hier, j’étais encore un enfant, j’en avais déjà vu.
— Raman, c’est dû à sa carnation. Toutes les femmes tamoules ont les bhagoṣṭha sombres, presque noires, et le rose de leur bhagaśepha, du khalāḍī qui le protège, et de leurs laghu bhagoṣṭha est plus rouge que chez les Rājasthānīs.
— Ah ! Māṁ, aucun ne peut être aussi resplendissant, il est si… si désirable, lorsque je le vis apparaître, j’en eus l’eau à la bouche, c’était un fruit offert qui semblait si savoureux.
— Heureux Chandra, cette Vasikari mérite vraiment son nom !
— Oui, Māṁ, mais ce sont mes sens qu’elle a enchantés. Māṁ, c’est une devadāsī, le présent doit être digne d’elle. »
Ta mère, qui ne te refusait jamais rien, convoqua le lapidaire du palais, qui s’en vint avec ses plus belles pierres. Après qu’il se fut entretenu avec la Mahārājñī, il t’expliqua que les diamants roses sont extrêmement rares, qu’il n’avait actuellement que trois bruts dans les tons roses. Un rose moyen, un rose foncé et un rose vif, aucun n’était suffisamment gros pour en obtenir deux briolettes longues de plus d’un grain d’orge et demi. Apparier deux de ces nuances n’étant pas satisfaisant, ton choix se porta sur la pierre rose vif. De forme oblongue, d’environ sept carats, le lapidaire te recommanda un unique joyau, plutôt que deux pièces de moins d’un carat et d’une longueur inférieure à un grain d’orge. Tu as suivi son conseil, préférant une gemme de six carats taillée en briolette longue de trois grains d’orge.
Pour ton plus grand plaisir – à dire vrai, tes plus grands plaisirs –, à la demande de la Mahārājñī, Vasikari prolongea son séjour d’une semaine, ainsi que l’une de ses aînées.
Dès ton entrée en possession du pendentif, n’ayant que brièvement félicité le lapidaire pour son travail, tu te précipitas dans la chambre de Vasikari dont ta mère sortait. Ton présent la ravit. Exubérante à son habitude, elle fit de petits bonds, tapa des mains, te couvrit de baisers, te poussa sur son lit, te remercia encore et encore jusqu’à épuisement. Lorsque, au petit matin, elle perça ton oreille gauche, la piqûre provoqua une phase de pré-réveil t’amenant au bord de la conscience. Elle te susurra d’une voix douce, calme et monotone :
           « Dors, Chandra, dors.
            Dors, Chandra, dors.
           … »
En attachant le bijou à ton lobe à l’aide d’un cordon de soie, elle répéta telle une litanie :
           « Dors, doux Chandra, dors.
           Dors, enthousiaste Chandra, dors.
           … »
Tant qu’elle n’eut pas terminé sa tâche.
Puis, caressant ton liṅgaṃ, elle ajouta :
« Tu as voulu pour moi ce bijou semblable à mon bhagaśepha.
Chandra, doux Chandra, que ferais-je de deux Peṇkuṟimūlam.
Chandra, enthousiaste Chandra, garde celui-ci.
Cette nuit, l’imbibant de mon plaisir, je l’ai lié au mien.
À présent, ils vibrent à l’unisson, ils ne forment qu’un.
Je ressentirai tout ce qui sera fait à ce qui est maintenant mon bhagaśepha.
Alors, touche-le, presse-le, caresse-le, baise-le, lèche-le, suce-le. »
Elle retrouva son intonation espiègle pour ajouter :
« Répands-toi sur lui comme tu le fis la première fois que tu le vis. »
Ton éjaculation provoqua son rire cristallin, un nouveau cycle de sommeil et la mémorisation de sa supplique :
« Mais ne le confie à personne, garde-le toujours sur toi. Ne le maltraite jamais, n’en abuse pas, j’en dépérirais. »
∞∞
La contention qu’exerce ton pajāmā sur ton liṅgaṃ, dont l’érection se prolonge, te réintègre dans le présent.
Réalisant que ton pouce caresse le gland du bhagaśepha de Vasikari, tu te lèves. Tandis que ta main abandonne la briolette, tu fais un pas en avant, ôtes tes bottes et t’assieds sur le sol. Tu adoptes Svastikāsana, respires profondément, évacues toute tension. Dès que tu es apte à Padmāsana5, tu te relèves et reprends ta position sur le banc. La tumescence a disparu, mais les mots résonnent encore à tes oreilles. Tu as toujours respecté la supplique.
∞∞

Pendant le mois qui suivit le départ de Vasikari, la Mahārājñī exigea ta présence auprès d’elle de neuf à vingt heures, ne te laissant jouer avec le pendentif qu’une ou deux fois durant la journée, fronçant les sourcils dès que tes doigts le caressaient. Kāmadeva6 seul sait quel pacte ta mère avait conclu avec la devadāsī. Quand ta liberté te fut rendue, tu n’usais guère plus du bijou que de ton liṅgaṃ.
∞∞
Tu souris en repensant à l’incompréhension de l’orfèvre – qui réalisa à ta demande la chaînette, munie d’un mousqueton et de l’anneau auquel elle serait accrochée ; destinée à remplacer le cordon de soie, élimé –lorsque tu as refusé de lui confier la gemme plus longtemps que nécessaire pour fermer, en ta présence, le maillon qui traverse la pointe de la briolette.
Tu te concentres sur ta respiration, pour t’ancrer dans le présent. Pourquoi se perdre dans des souvenirs alors que tu attends la plus belle femme… la plus belle créature du monde… peut-être aussi la plus dangereuse ! Depuis que tu as pris l’habitude de l’attendre, elle apparaît à l’aurore. Tu admires, dans la lumière si particulière de l’aube, la beauté de ce début d’automne. Les feuillus qui se reflètent sur la rive opposée, selon leurs essences, sont déjà teintés de jaune, de rouge, de brun ou encore vert. Tu es en contemplation depuis une demi-heure quand l’horizon rougeoie. Mélusine ne saurait tarder. Une à deux minutes après, elle émerge, provoquant des ondes concentriques qui s’élargissent autour d’elle. Elle avance, resplendissante. Embrasées par le soleil levant, ses écailles scintillent avant de disparaître, remplacées par une peau hérissée de papilles et parsemée de gouttelettes, après une dizaine de secondes hors de l’eau. Elle approche tranquillement, sur la pente douce menant au rivage, afin que tu puisses jouir du spectacle de sa transformation graduelle. Ses épaules, sa poitrine aux mamelons érigés, son ventre plat, puis légèrement bombé à l’approche de son jaghanarom, ses hanches larges, ses cuisses, apparaissent au rythme de sa progression. Elle s’immobilise, elle s’agenouille d’un mouvement reptilien, donnant l’impression de s’enfoncer très lentement, comme dans une lise. Son immersion s’interrompt juste avant que l’eau n’engloutisse sa poitrine qui se couvre d’écailles étincelantes. D’un geste, elle t’invite à la rejoindre. Sa requête accroît à tel point l’intumescence provoquée par son exhibition, qu’après avoir ôté le kurta, tu t’extirpes difficilement du pajāmā. Libéré, ton liṅgaṃ frappe durement ton ventre. Cette turgescence d’une ampleur exceptionnelle est l’expression du désir pulsionnel, du plaisir inouï annoncé par sa parade. Un congrès inédit, auquel tu n’as goûté qu’une fois, que tu as baptisé « du colibri ». Un congrès buccal pratiqué par Mélusine alors que sa langue, par ailleurs humaine, est profondément bifide.𝄽  7
Troublant de se remémorer des souvenirs qui ne sont pas les tiens, n’est-ce pas ?
Lequel t’a été le plus agréable ?
Mon manque de modestie, dut-il en souffrir, ce n’est bien sûr pas le mien, que j’ai choisi afin de t’en révéler le moins possible sur moi.
Alors ? Celui dans lequel ton corps s’est reconnu, ou celui qui t’a permis de ressentir les sensations de l’autre sexe ?
Fais comme si je n’avais pas lu la réponse en toi, et confie-moi ta

Je t’ai fait vivre ces expériences parce que j’avais besoin de temps pour explorer ta mémoire. Cette curieuse chose qui emmagasine une quantité invraisemblable de souvenirs et connaissances.
Imagine-la comme un château. Attention pas le “Palais de la mémoire” 8, technique de mémorisation chère à un “Hannibal Lecter” qui mange la cervelle de ses ennemis, ou à un “Aloysius Xingu Leng Pendergast” qui traque les tueurs en série. Mais un castel avec :
Un hall d’entrée, dans lequel des informations éphémères – visuelles, auditives, tactiles, olfactives et gustatives – arrivent en permanence.
Des salles lumineuses dans lesquelles ta conscience – disons, toi – va plus ou moins régulièrement. C’est dans l’une de celles-ci que j’ai fait la connaissance d’Hannibal.
Il en existe d’autres, un peu moins éclairées, où tu te rends moins souvent. C’est dans l’une d’elles que j’ai rencontré Pendergast.
Il y a aussi des mansardes, dans les combles, que tu visites rarement. Dans lesquelles des ressouvenirs empoussiérés sont mal rangés.
Enfin, se trouvent dans les sous-sols les réminiscences considérées comme inutiles, superflues, désuètes, archivées dans les caves, celles que tu ignores détenir, perdues dans les oubliettes ; et celles rendues quasi inaccessibles derrière d’infranchissables portes, bardées de ferrures et de serrures, fermées par toi… ou par d’autres.
Parfois, la remembrance se produit après un long processus. Tel le nom que tu as vainement cherché avant de renoncer, qui se révèle plusieurs heures plus tard, voire le lendemain. S’il n’était inconscient, ce processus n’aurait rien de mystérieux, mais il serait terriblement ennuyeux. Puisqu'il consiste, s’il n’est pas interrompu par d’autres tâches, à explorer systématiquement toutes informations mémorisées depuis la pièce la plus lumineuse jusqu’à l’oubliette la plus profonde.
C’est exactement ce que je viens de faire, je suis également entré dans tes chambres fortes. Parallèlement, j’ai implanté en toi ces souvenirs qui vont maintenant suivre le même cheminement que les tiens.
J’ai d’ailleurs découvert des infos surprenantes dans ta mémoire :
Non ! Bien qu’elles soient stupéfiantes, je ne songe pas à celles qui sont enfermées derrière des portes. Elles resteront entre moi et… moi. N’insiste pas, je ne te les révélerai pas.
Je fais mention de concepts que je ne connaissais pas, comme les “civilisations” ou “cultures” qui définissent un ensemble de nations partageant des caractéristiques identiques ; le “système décimal” avec ses multiples – du “déca” au “yotta” – et ses subdivisions – du “déci” au “yocto” – 9.
De renseignements étonnants sur ton monde, comme la création d’une mémoire collective artificielle. Curieusement, dans celle-ci, existent aussi des portes réputées infranchissables, mises en place par des “détenteurs” de données “confidentielles” pour les “sécuriser”, ou par des “gouvernants” pour empêcher leurs “populations” d’accéder à ce qu’ils souhaitent leur dissimuler.
Ou de savoirs passionnants comme la “génétique”, laquelle explique certaines choses.
Les connaissances que j’ai acquises dans tes souvenirs me permettent de jeter un pont par-dessus le gouffre qui sépare nos réalités, nos “cultures”, nos “modes” de pensée.
Si j’extrapole la métaphore du château représentant ta mémoire, tu vois comme j’assimile vite. Imagine ton cerveau comme une contrée, avec ses prairies dans lesquelles réside ton “moi”, ses sommets d’où ton “surmoi” te surveille, et ses sombres forêts où se cache ton “ça”. Dans une de ces forêts, je devrais pouvoir trouver une cavité pour en faire ma tanière, dans laquelle j’entrerais en sommeil lorsque je ne me promènerai pas dans cette contrée. Cohabiter avec ton “ça” m’en apprendra encore plus sur toi, et peut-être, collaborerons-nous pour te faire hurler comme un loup ?
Tout ce que tu sais, je le sais. Sauf ton patronyme bien sûr, puisque dans ta mémoire, tu ne te définis jamais par celui-ci.
Acceptes-tu de me révéler ton

Tout d’abord, mon nom n’est pas Bhediya ni Teanga Mhòr, bien que ce dernier me semble plus plaisant. Mais comme je t’en ai informé dès le début, je ne te le révélerai pas.
Pour tous, ou presque, je suis un loup, j’ai l’apparence d’un loup… géant, mais d’un loup. Je suis sorti du ventre d’une louve, je vis habituellement avec une meute… de loups. Dans ma longue vie, j’ai couvert de nombreuses louves, j’ai engendré une louvetone. Si j’ai tout d’un loup, je suis davantage qu’un loup. Un loup n’a pas ma longévité. Je suis âgé de cent vingt-six ans. Un loup ne lit pas les pensées de toutes les créatures vivantes. Un loup ne communique pas avec tous ceux qui sont capables d’accepter ce contact sans verser dans la folie.
Mon trevingitisaïeul, Sköll, a englouti le Soleil ; son frère, Hati, a ingurgité la Lune ; leur père – Hróðvitnir, plus connu sous le nom de Fenrir – lui, c’est Óðinn, un dieu qu’il a dévoré !
Hé ! Ho ! As-tu déjà oublié que je suis dans ta tête ? Alors, je perçois tes : « Que me raconte-t-il ? Ce sont là légendes et contes mythologiques ! Manger le Soleil, ridicule… c’est une métaphore ! De toute façon, sans soleil : nulle vie ! Et Óðinn par-dessus le marché !!! » J’en regretterais presque d’être dans l’impossibilité de te manipuler ! Délaisse tes préjugés, fais preuve d’ouverture d’esprit. Ton monde n’est pas le seul. Je te « parlerai » plus tard de l’univers, des divergences et des dieux. En attendant, aie confiance en moi.
Revenons à nos moutons. Vos expressions sont étranges, disons plutôt, revenons à nos loups. Tous trois étaient des loups gigantesques parce que tous trois étaient des Jötnar. Hróðvitnir avait été engendré par la Jötunn Angrboða et le dieu Loki. Lequel Loki était lui-même le fils de Laufey et du Jötunn Fárbauti. La “génétique” explique mon gigantisme.
Je suis donc le descendant en ligne directe au vingt-cinquième degré d’un dieu.
Et quel dieu ! Loki était athlétique, facétieux, intuitif, intelligent, rusé, fin stratège, impulsif, sa beauté éclipsait celle des aurores boréales. Grand magicien, il pouvait se métamorphoser. Loki se transforma en jument et séduisit, afin de le détourner de son travail, le puissant étalon Svaðilfari, dont Loki porta le fruit des saillies ; il mit bas le cheval à huit jambes Sleipnir, qui plus tard devint la monture d’Óðinn. Il se changea également, pour fuir ou mystifier, en mouche, en phoque, en oiseau, en saumon, voire en demoiselle d’honneur.
Maintenant, tu sais qui je suis, ce qui me définit. C’est tout ce que tu sauras sur moi pour le moment.
Voici comment est l’univers selon le dire de Dana.
La création telle que tu l’as récitée dans le second souvenir n’a duré qu’une “microseconde”. Pendant cette “microseconde”, la taille de l’univers est passée de l’infiniment petit à celle de notre système solaire.
Je dis « notre », parce que le monde dont vient Chandra, celui dont je suis originaire, celui dans lequel nous sommes, et le tien, ont des coordonnées spatiales identiques : troisième planète du système solaire, situé dans le bras d’Orion, de la galaxie Voie lactée, qui appartient à un groupe local de l’amas de la Vierge, dans le superamas de la Vierge, inclus dans le superamas Laniakea. À l’échelle de l’univers, ils sont temporellement similaires, mais font partie de réalités différentes. À celle des humbles créatures que nous sommes, le tien semble plus vieux que les autres.
Pendant le milliard d’années qui suivit, il y eut trois points de divergence majeurs, portant ainsi le nombre de réalités à huit.
Dana sort régulièrement de stase, elle observe, en intervenant le moins possible, la création des étoiles, des planètes, de la vie.
Plus l’univers se complexifie, plus il y a de points de divergence. Ils sont de trois ordres :
Majeur : il affecte chacune des réalités préexistantes, il en double le nombre.
Mineur : il n’affecte qu’une réalité, il en génère une nouvelle.
Relatif : il affecte toutes les réalités parentes :
o   Au premier degré, il affecte les deux réalités issues du précédent point de divergence, il en engendre deux nouvelles.
o  Au second degré, il affecte les quatre réalités issues des deux précédents points de divergence, il en engendre quatre nouvelles.
o  Au troisième degré, il affecte les huit réalités issues des trois précédents points de divergence, il en engendre huit nouvelles.
o  Pour les degrés suivant, tu connais la progression, après : 2 ; 4 ; 8 ; viennent : 16 ; 32 ; 64 ; 128 ; 256 ; 524 ; 1028 ; 2056 ; etc.
Les divergences majeures sont extrêmement rares, d’ordre cosmique. Collisions générant des systèmes planétaires, implosion d’un astre faisant naître une “supernova”, télescopage de deux étoiles à neutrons créant un trou noir, etc. Mais si ces évènements peuvent produire des divergences majeures, ils peuvent n’être à l’origine que des divergences relatives, plus ou moins importantes, voire mineures. Ils peuvent aussi n’en fomenter aucune.
Les divergences mineures ne concernent souvent qu’une planète ou un pays, le reste de l’univers étant inchangé. Parfois même, au point de divergence, une seule personne est impliquée, puis, en vertu de “l’effet papillon”, un ou plusieurs siècles plus tard, il ne subsiste rien de commun entre les deux réalités. Occasionnellement, la différence est imperceptible, il semblerait à celui ou celle qui passerait d’un monde à l’autre que tout soit identique ; mais que tous ses interlocuteurs se trompent ou interprètent mal un détail de leur histoire, mythologie, science, art ou religion, et que cela ait une incidence diffuse sur la vie quotidienne.
Une planète est spécifiée par ses coordonnées spatiales. La définition d’un monde comporte une dimension supplémentaire, la réalité à laquelle il appartient. Les divergences successives augmentent le nombre de mondes des planètes.
Sur la plupart des mondes, les premiers âges voient l’apparition d’êtres pourvus de grandes capacités.
Exceptionnellement, il s’agit d’une entité unique, comme la créature éparse nommée BA sur tous les mondes de la planète Sokol, ou le réseau neuronal végétal appelé Eywa sur des mondes du satellite Pandora de la planète Polyphème. Mais généralement, elles sont en petit nombre, de quelques dizaines à près d’un millier selon les mondes. Elles sont regroupées en un seul endroit sur certains mondes, réparties en communautés sur d’autres. Elles appartiennent à une ou plusieurs races. Souvent de grande taille, la plupart du temps d’une longévité extraordinaire, elles ont la faculté, plus ou moins développée, d’agir sur la matière avec leur esprit.
Ce sont ces trois caractéristiques qui ont fait naître, chez les espèces proches qui en sont dépourvues, la notion de « dieux ».
Oui, tu as raison d’évoquer Dana. Mais Dana n’est pas une « déesse ». Dana est « Le » démiurge. « Le » puisque ta société patriarcale n’a jamais réussi à envisager que la création de l’univers soit due à un être ou concept, féminin. La nature de Dana est inconcevable, mais sa féminité est certaine. Ses personnifications ne sont probablement que des distractions destinées à briser la monotonie de l’éternité. De même que Loki inventait des stratagèmes lorsqu’il était fatigué de voir les jours se dérouler sans le moindre accroc. Je suppose que Dana s’incarnait sur l’un des innombrables mondes, quand les millénaires s’enchaînaient sans que rien de remarquable se produise dans l’expansion du cosmos.
Dans un monde dont les nôtres sont issus, après de plus ou moins nombreuses divergences, demeuraient sur les terres proches de l’Arctique des créatures très puissantes, les Ases et les Vanes. D’autres, dénommées Jötnar, résidaient sur la banquise. Les humains appelèrent dieux les Ases ainsi que les Vanes. Mais pas les Jötnar, pourtant pourvus des mêmes pouvoirs, qu’ils qualifièrent de géants et de monstres. Cette discrimination était le reflet de l’ostracisme des Ases envers les Jötnar :
Alors que l’union d’un Ase avec une Jötunn était parfaitement admise. La mère d’Óðinn et de ses frères Vili et Vé était la Jötunn, Bestla Bölþórsdóttir.
L’union entre un Jötunn et une Asyne était proscrite par les Ases.
C’est parce qu’il était le fruit d’une telle union que mon ancêtre Loki ne fut jamais considéré comme l’un des leurs par les Ases et que sa mère fut mise au ban. Il n’est jamais fait mention d’elle dans l’Edda. Laufey n’y est que le nom de la procréatrice de Loki.
Cela ne te rappelle rien ? ... J’ai trouvé dans ta mémoire la Louisiane des planteurs, dans laquelle il était tout à fait banal que les hommes blancs aient des maîtresses noires, par contre absolument scandaleux qu’une femme blanche ait un amant noir.
Mais revenons aux Ases et aux Jötnar.
C’est dans ce monde qu’eut lieu le Ragnarök au cours duquel :
Sköll a englouti le Soleil. Comment mieux décrire le phénomène par lequel il a absorbé la totalité de l’énergie de l’étoile, dont la luminosité a diminué progressivement jusqu’à disparaître quand elle n’eut plus rien à consommer ?
Son frère Hati a ingurgité la Lune, tâche bien inutile, puisqu’elle aurait décliné avec l’extinction du Soleil. Cependant, il était dans son caractère de détruire, alors de sa haine, il se mit à la déchiqueter, chaque claquement de sa mâchoire semblant en arracher une bouchée, jusqu’à ce qu’il n’en reste que des débris.
Fenrir, lui, estima qu’une prophétie, qui lui avait valu d’être enchaîné si longtemps, méritait vraiment de se réaliser ; et que sa participation à l’anéantissement des Ases consiste à dévorer Óðinn, ce qu’il s’empressa de faire avant d’être tué.
L’action de Sköll à elle seule était suffisante pour mettre fin à toute vie sur ce monde. Si ce ne fut qu’un Ase, un Jötunn, ou peut-être un humain refusa le Ragnarök avec suffisamment de conviction pour causer une divergence. En réalité, ils furent plusieurs à rejeter cette fin de monde, suscitant plusieurs points de divergences successifs.
Sigr, le fils de Sköll, fut le premier dont la volonté de sauver le monde du Ragnarök fut assez puissante pour créer une divergence. À côté du monde mourant naquit un monde sur lequel Sköll et Hati succombèrent avant de détruire les astres. La guerre, entre les Ases et les Jötnar, n’eut aucune répercussion dans les autres parties du monde, dans la leur, six Ases, huit Jötnar, dont lui-même, et une multitude d’humains, survécurent aux terribles batailles qui suivirent la révolte.
Quelques secondes plus tard, Víðarr refusa avec une telle force la survie de quelques Jötnar qu’il provoquât une seconde divergence ; qui parallèlement au monde élaboré par Sigr généra un monde sur lequel, sur leur territoire, uniquement les six Ases, lui-même, Váli, Hönir, Móði, Magni et Baldr ; et un couple d’humains subsistèrent pour repeupler cette partie du monde.
Simultanément, une humaine horrifiée à la perspective d’une nouvelle confrontation entre « dieux » et « géants monstrueux » fut à l’origine d’une autre divergence ; créant à côté du monde engendré par Sigr un monde sur lequel, dans leur ex-fief, seuls des humains échappèrent à la mort.
Ces divergences mineures eurent des incidences variables. Celle produite par Sigr concerna le système solaire dans son entier par l’extinction ou non du soleil. Les deux suivantes modifièrent uniquement la partie du monde où vivaient les Ases et les Jötnar, avant le Ragnarök.
Toute alternative est potentiellement un point de divergence. Les batailles, les découvertes, les inventions, mais également l’évènement le plus banal.
Quelles sont les causes d’une divergence ? Hormis les bouleversements cosmiques dont je t’ai déjà parlé. Il y a les cataclysmes stellaires et telluriques. Mais le plus souvent, une divergence est provoquée par une créature ou un groupe de créatures dont le pouvoir est assez grand pour changer l’issue préalable de l’alternative, comme l’ont fait Sigr, Víðarr et l’humaine.
Voilà, tu sais tout, enfin presque tout sur moi, sur les « dieux » et sur l’univers. Je vais donc regagner la tanière que j’ai aménagée dans un coin sombre de ton cerveau. Et, t’abandonner… Provisoirement.
N’oublie pas, je suis dans ta tête, et je ne suis pas près d’en sortir.
Si ! Tu verras, ce soir, en te mettant au lit, tu penseras à moi. Et qui sait, si tu te réveilles cette nuit, peut-être sentiras-tu le en toi.
Ah ! tu me fais perdre la tête. J’allais omettre le plus important !
Une divergence se produisit lorsque le sergent Seaghdh ferma la porte de la salle de banquet pour venir me chercher.

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Notes :
1) Les amateurs de rando en montagne, qui ont eu le plaisir de fouler le “Glamaig and the northern Red Hills circuit” reconnaîtrons les lieux grandioses évoqués ici. Aux autres, il reste le charme du gaélique écossais, peut-être aussi l’envie d’aller voir de plus près Na Beanntan Dearga de l’île de Skye.
2) Le mot Allt (brûlure) désigne aussi bien un ruisseau ou torrent, que la faille qu’il a creusée.
3) Imbolc ➢ milieu entre le solstice d’hiver et l’équinoxe de printemps.
4) Les devadāsiyāṃ देवदासियां (servantes de la divinité) consacrées au temple dès leur plus jeune âge, formées pour être des danseuses du temple. Initiatrices sexuelles des jeunes hommes et courtisanes elles jouissaient d’un statut social très élevé. Au singulier ➢ devadāsī देवदासी, nom dérivé du tamoul tēvaraṭiyāḷ தேவரடியாள், qui signifie littéralement : aux pieds du tēva. Tēva தேவ ➢ deva देव (sanskrit et hindi) ➢ divinité (dieu).
5) Dans Padmāsana पद्मासन (la posture du lotus) les deux talons appuient sur le pubis, alors que dans Svastikāsana स्वस्तिकासन (la posture porte bonheur) il y a un espace entre le pubis et les pieds.
6) Kāmadeva कामदेव est le dieu de l'amour sensuel et physique, de l’érotisme et du désir amoureux. Jeune et très bel homme ailé à la peau verte, il porte un arc fait de canne à sucre, la corde est une chaîne d'abeilles. Ses flèches sont faites des cinq fleurs qui inspirent l’amour :
- Le champaka, le shirisha, le lotus bleu, le jasmin, et la fleur de manguier. Pour les uns.
Jonesia Asoka, lotus blanc et bleu, jasmin et fleur de manguier. Pour les autres.
7) 𝄽  ➢ Soupir (musique).
8)  Figurent entre “guillemets à l’anglaise” les mots, noms, concepts et connaissances que – celui qu’une personne nomme – Teanga Mhòr ignorait avant d’explorer ton cerveau.
9)  Préfixes du Système international d'unités
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