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27 janvier 2019

L'aparté

 
भेड़िया

d’aller plus loin, nous devons avoir un aparté. J’ai lu dans la mémoire de l’un de tes contemporains que j’avais sollicité cette audience afin d’implorer le roi Liam et ses alliés de venir au secours des loups. Mes congénères étant, comme les humains, victimes de raids menés par des Orcs. Franchement :
• m’imagines-tu implorant ?
• m’imagines-tu porte-parole de mes – pas réellement – congénères ?
• m’imagines-tu décidant, il y a cinq lunes, d’entreprendre ce voyage pour quémander de l’aide au sujet d’une menace qui n’existait pas encore ?
Non, décidément, ce « loup-là » n’a strictement rien à voir avec moi, il devait être l’objet d’un maléfice.
• Ai-je réussi à briser l’enchantement ?
• Une personne très puissante, est-elle intervenue ?... Toi ?
• Une de ces créatures hypothétiques que leurs sectateurs nomment « auteur (e) » a-t-elle été révoltée par le sort qui m’était fait ?
Toujours est-il qu’une divergence se produisit lorsque le sergent Seaghdh ferma la porte de la salle de banquet pour venir me chercher.
Oui, tu as raison, avant de continuer, je te dois des explications. certains points doivent être éclaircis. D’abord, il y a ce que les gens croient et la réalité. Effectivement, le palais neutralise la magie, mais seulement celle acquise – par l’étude, la transmission ou l’utilisation d’artefact – comme le petit tour de Chandra pour faire léviter ses sacoches ou une incantation permettant de pétrifier une armée composée de milliers de combattants. A contrario, le palais ne peut neutraliser les capacités intrinsèques, ni celles d’un lumineux, ni la liaison télépathique entre un dragon et son dragonnier, ni mes aptitudes.
Ensuite, oui, c’est vrai, j’ai peut-être omis de te parler de certains de mes talents.
Menti ?
Non ! Oui, de fait, j’ai peut-être laissé entendre…
Non ! Pas dit… J’ai seulement mentionné que j’étais : « dans l’impossibilité de te manipuler ».
Quant à Chandra, vous l’avez compris, il y a ce que Chandra croit et la réalité.
Il existe donc deux visions de l’audience. Et différentes façons d’en prendre connaissance :
• accompagner l’un de nous du début à la fin de l’audience, pour ensuite s’attacher à l’autre.
• suivre alternativement chacune des visions à chaque étape de l’audience.
Dans les deux cas, je te suggère de commencer par compulser la version de Chandra चंद्र, sinon elle te paraîtra fade après la mienne भेड़िया.
Mettons fin à cet aparté et retournons en Alastyn.
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Le Palais

De nombreuses créatures peuvent changer de forme :
Divinités, djinns, magiciens, sorcières, monstres, etc.
Mais cet être-ci, lui, a changé de nature.

ANTHÉON

Il y a des dizaines de milliers d’années, l’inselberg, sur le plateau duquel se situe aujourd’hui le domaine royal, était déchiré d’est en ouest par un canyon profond de deux cent quatre-vingts toises. Sinueux, il mesurait selon les endroits entre trois et quatre toises. La face sud du monadnock,1 entre les deux issues de la gorge, était battue par les flots.
D’une longueur de dix lieues, Allt dominant la plaine de vingt toises – serpentait, s’élargissait, se rétrécissait, puis à environ une lieue de la sortie ouest, la paroi sénestre du défilé virait dextrogyre de quarante-cinq degrés, tandis que sa paroi dextre girait dans le même sens, mais de cent soixante degrés, avant de redevenir parallèles, formant ainsi une poche. Nous nommâmes cette poche « l’origine du monde », elle mesurait dix toises en son ouverture, trente en sa profondeur, et vingt en sa largeur.
Ses falaises n’étaient pas verticales, mais en entonnoir, parfaitement lisses. « L’origine du monde » était divisée en deux secteurs rayonnants :
Le premier, contigu au chemin naturel du canyon, était une étendue sablonneuse ; il s’étirait sur dix toises dans sa plus grande longueur.
Le second était une prairie grasse et verdoyante longue de douze toises et deux coudées. Dans cette prairie poussait un noyer centenaire.
Ensuite, le ravin reprenait son cours sinueux, plus ou moins large, jusqu’à la sortie de l’autre côté de la montinsule.
Nous étions de grands bâtisseurs, nous avons créé une rampe de deux lieues de longueur conduisant de la plaine au plateau de l’inselberg. Puis nous colmatâmes le canyon à l’exception de « l’origine du monde » dont la surface au sol se transforma en un ovale de vingt toises dans l’axe est-ouest et trente dans l’axe nord-sud. Conjuguant nos talents de bâtisseur et de mage, nous érigeâmes une cloison verticale à l’aplomb du périmètre de l’ellipse. Puis, nous comblâmes l’espace entre la muraille naturelle et celle que nous venions de créer, tout en incorporant dans cet espace un escalier, de deux mille neuf cents marches de sept pouces, qui s’enroule en spirale autour du puits.
Nous construisîmes sur le plateau de l’inselberg, ce palais surplombant l’océan, sous lequel se trouve l’excavation menant à « l’origine du monde ». Nous étions des mages très puissants. J’étais le plus puissant de ces mages, le plus puissant que ce monde n’ait jamais porté… d’une certaine façon, je le suis toujours. Lorsque le palais fut achevé, assisté pour cela par tous ceux qui avaient participé à sa création, afin d’en assurer la pérennité, j’ai fusionné avec lui. J’ai été bu par la pierre, fondu dans le bronze, le verre et le cristal, j’ai irrigué le bois, nous sommes devenus indissociables.
J’étais Anthéon, je suis le Palais, je suis le bâti du domaine royal. Je perçois tout ce qui se passe en et auprès de moi, je peux agir sur tous mes composants. Mais, hormis avec les lumineux, je ne peux communiquer que dans « l’origine du monde ».
Enfin… Je l’ai cru jusqu’à ce jour !
Actuellement, il y a dans mes murs une créature d’une immense puissance. Ainsi, elle voit et oit ce que regarde et écoute un homme qui se trouve dans la salle du banquet. Je tentais vainement de pénétrer ses défenses. Alors que je réfléchissais à la pertinence de la neutraliser, sans l’éliminer, elle me contacta. Cependant, elle renonça, après avoir palpé mon bouclier mental, aux intrusions et ingérences. Ensuite, nous dialoguâmes longuement, elle finit par m’exposer un plan dont elle mit en exergue l’opportunité qu’il représentait pour les lumineux. Bien sûr, elle s’abstint de m’expliquer sa motivation.
Lorsque l’on ne peut pas lire les pensées – toutes les pensées – de son interlocuteur, la difficulté consiste à discerner le vrai du faux et deviner le tu.
Sans être certain d’avoir la faculté de m’opposer à son stratagème, j’acceptais de ne pas l’entraver – je pratique aussi la désinformation.
Tant que les manigances de la créature ne nuiront pas aux intérêts d’Alastyn, je n’interviendrai pas. Elle sait que dans le cas contraire, je la broierai entre mes pierres.
***
Notes :
1) Du nom du Mont Monadnock, qui dérive d'un mot de la langue Abénaki (famille linguistique algonquienne).
Le terme monadnock est employé par les géologues américains pour désigner un inselberg.
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