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05 octobre 2023

10 - Les aventures du dragon

“Il est bien plus facile de mettre le dragon dans la peau du méchant,
de celui qui brûle les récoltes, dévore le bétail et les paysans,
capture les belles princesses et met au défi les chevaliers en armure.
Tout ça, ça fait de beaux livres, mais ce n’est pas la vérité.”
Terry Brooks, Royaume magique à vendre.
 
கருப்பு டிராகன்

« ZZZ...
ZZZ...
Brr ! »
Je…
« Brr ! »
J’investis mon corps glabre… une légère brise le caresse… Mais ! je suis nu, je sens de la mousse sous ma main... sous moi. Je suis… Karup…
Le souffle sur mes paupières m’invite à les lever, je les ouvre. Ils sont là, immenses, bleus, si beaux… aussi clairs que l’eau des hauts-fonds… si profonds, je veux m’y noyer.
Désespoir, ils s’éloignent... Ravissement… autour, il y a une merveille.
Les grands yeux sont bordés de longs cils et surmontés de fins sourcils arqués du même or que l’abondante chevelure qui encadre un visage au teint de porcelaine, dans lequel un nez mutin surplombe une bouche aux lèvres ourlées d’incarnat.
Que n’ai-je continué de les fixer ? ils n’auraient abandonné les miens. Je lève la tête, m’appuie sur les avant-bras pour voir ce qu’elle regarde.
Je découvre l’objet de son intérêt : mon āṇkuṟi dressé vers le ciel, roide, dur tel le granit du civa liṅkam 1 érigé dans la vimāṉam 2 du tañcaip peruvuṭaiyār kōyil. Mon cœur s’emballe, le sang afflue dans mon taṭiyait, comme pour la faire croître ; mes joues s’enflamment, prennent la couleur de mātuḷai mûre. Entre appréhension espoir et désir, je la dévisage, elle sourit… Civaṉ ! Ses doigts s’enroulent autour de ma taṇṭu, leur fraîcheur me brûle. Douce pression, qui s’affermit, tendre violence du geste qui libère mon kiḷaṉs du muṉtōl, alors que le tranchant de la main qui m’enserre heurte mon pubis. Une perle de rosée sourd de l’iṟaicci. Une langue apparaît entre ses lèvres, les humidifie et vient cueillir la goutte qui brille au sommet de mon liṅkam.
« Humm ! »
L’attouchement lingual sur mon kiḷaṉs m’embrase, je ne suis plus que mon liṅkam, mes bras abandonnent leurs positions, ma tête retrouve la mousse, mes yeux se ferment. Sa main entame un va-et-vient sur ma taṇṭu. Sa bouche gourmande s’empare de eṉ āṇkuṟiyiṉ talai, la baise, la lèche, la tète.
« Hummm ! »
Ô am’mā, tu avais raison : attendre celle qui est destinée à m’initier… elle m’a trouvé.
Elle embouche mon ḥpālas, ses lèvres… Ses lèvres glissent sur moi, elles vont et viennent, derrière sa main… Ses doigts qui forment un anneau…
« Hummmm ! »
Merci, amies tēvatācikaḷ, de m’avoir expliqué comment retarder la montée de la lave.
« Hummm ! »
Comment fait-elle cela ? Civaṉ ! Elle tourne autour de mon taṭiyait. Ses mains se sont emparées de mes viraikaḷ qu’elles enserrent, alors que sa bouche continue son œuvre.
On m’arrache de mon āṇkuṟi. Le suave parfum, qui m’a réintégré dans mon entièreté, m’envahit. Les prunelles de mes yeux se dessillent sur une prodigieuse orchidée, sa vulvāvi, sa senteur me grise, la sève grimpe. Me contrôler…
Je la hume, je ne résiste pas à l’invitation au gamahuchage. J’humecte ma nākku, sa pointe s’insinue entre ses lēpiyā majōrā. Me saisir d’elle… Sa jambe bloque mon bras, elle lève le genou, me libérant, mais sa peṇmai échappe à mes baisers, elle fait de même de l’autre côté et revient à portée. Une fesse dans chaque main, c’est à pleine bouche que j’explore son intimité. Ma langue s’introduit dans son yōṉi, s’y active, y lape son kātal cāṟu. Ce divin nectar m’enivre, me rend fou. J’en oublie mon āṇkuṟi, je veux la boire… la boire.
Non !!! Le calice s’éloigne : elle soulève son bassin, ma bouche suit. Une morsure me rappelle à l’ordre, mon occiput rejoint la mousse, mes paupières se ferment, je profite de la ḥpellāṣiyō.
« Hummmm ! »
Sa chair humide effleure mon nez, puis mes lèvres. Elles s’entrouvrent sur son peṇkuṟimūlam, le bécotent, le dorlotent, le décalottent, le suçotent ; ma langue le lutine, le butine, l’excite. Une nouvelle pression de ses dents freine mon enthousiasme… mon kaṉṉiliṅkas est-il brouillon ?
Oui, c’est ça… elle me guide, je suis son rythme, ma nākku imite la sienne, mes utaṭukaḷ copient les siennes, je mordille délicatement son kiḷiṭṭōris quand elle le fait sur mon liṅkam – pincement impossible à confondre avec celui signifiant que je m’égare. Nous ralentissons… effleurons… accélérons… appuyons nos caresses…
« Ssslrrrrppp.
— memmmmm.
— Uhuummmm.
— Brrrmmmmmmhhhh.
… »
Le feu m’envahit, déferle dans mon āṇkuṟi. Alors qu’elle m’inonde, je crache, crache, craaaaaache !
« Nāṉ karuppu ṭirākaaaaaaaaaaaṉ ! »
Je cesse de haleter, mon cœur bat encore la chamade, j’offle 3. Le succulent fruit s’éloigne de ma bouche, elle renonce à le suivre. Je suis… je suis extatique… je suis vide… Civaṉ ! Quel iṉpam ! Ça surpasse incommensurablement la cuya'iṉpam.
Elle bouge, son visage réapparaît. Ses lèvres s’accolent aux miennes, s’entrouvrent et laissent couler quelques larmes de mon vintu dans ma vāy. Elle lape son Kātal cāṟu sur mon menton, je m’empresse de passer ma nākku sur mes Utaṭukaḷ avant qu’elle ne me vole tout son suc, mais elle récupère celui qui inonda mes pommettes et baigna mon nez.
“An bhfuil mé ag do bhlas, álainn Aengus?
— Parle, parle encore, ta voix est si mélodieuse.
— Ní thuigeann tú mé, cad mór an trua go bhfuil Ó Fenrir as láthair!
— …
— Tá tú dathúil, álainn sin, tá tú chomh cosúil le d’athair!”
À califourchon, elle roule des hanches, sa peṇmai glisse sur mon liṅkam trop flaccide à son goût… et au mien.
“Mar sin, mo gleoite. Feicfimid an bhfuil tú chomh dhíograisigh leis an Chandra daor seo agus má tú buan chomh fada leis an té a thaistealaíonn ionat.”
Cantirā ?
« Tu as dit Cantirā ? Tu parles de mon appā ?
— Chandra ! Chandra ! Chandra ! Chandra ! Chandra ! Chandra ! Chandra ! »
Mais… elle scande le nom d’appā au rythme de ses coups de reins !
« Pourq… »
Elle me muselle, d’un baiser brûlant, impératif…
« Humm !
— Humm !
— …
— Tá, sin é, déan í a fháil crua!
— Eṉ appā ?
— Shush! tar istigh ionam agus déan cum dom!
— Hummm ! »
La caresse de ses ciṉaippaiyiṉ utaṭukaḷ a rendu sa rigidité et son ardeur à mon āṇkuṟi… Mon kiḷaṉs est maintenant dans le vestibule de son Yōṉi, d’un mouvement ample et fluide, elle me fait pénétrer profondément en elle.
“ₛₛₛₛₛₛₛₛₛₛ”.
Par la Trimūrti, j’ai entendu mon liṅkam s’insinuer dans ses chairs comme un poignard dans son fourreau.
Appā, pardonne-moi, mais…
Elle me chevauche… elle penche son buste en avant et décolle les fesses de mes cuisses, puis se redresse, ramenant son pelvis au contact du mien, derechef, elle penche son buste en avant et décolle les fesses de mes cuisses, puis se redresse ramenant son pelvis au contact du mien, encore, encore, et encore.
« Encore !
— …
—  Hummmm !
— Tá, tá, tá! »
Ses genoux serrent mes flancs. Elle accélère, elle se dresse, droite, et se laisse retomber sur moi plus brutalement.
« Flock, flock, flock…
— Han !
— Flock.
— Han !
— Flock.
— Han ! »
Elle se couche contre moi, seul son bassin s’éloigne et revient heurter le mien de plus en plus rapidement. Suis-je fou ? Suis-je une monture qu’elle emmène au grand galop ? Va-t-elle me talonner ?
Elle me pilonne comme si mon liṅkam était sien.
Elle se cambre, porte la main à son Peṇkuṟimūlam, l’effleurement déclenche un puṇarcciya qui la tétanise. Les contractions spasmodiques de son Yōṉi provoquent eṉ vintutaḷḷal.
« Raaaaaaah !
— Whoaaaaa!
— …
— Tá a fhios agat go bhfuil tú ag déanamh go hiontach, le haghaidh bunleibhéal.
— ᶻᶻᶻ…
— Ach, codlaíonn tú!
— zzz…
— Ahem! chaith tú féin.
— ZZZ… »
« Hiiiiiiiii-hiiiiiiiiia ! »
Hein ! Qu’est-ce ? L’apcarā4 ? Où est-elle ? Je me suis endormi !
Ah ! c’est GaḍạgaḍạāhaṭaSudaroli ? Mais ! il tente de monter Rādhikā. Qu’est-ce qui lui prend ? Elle botte – genre “toi… dégage !” –, se retourne et montre les dents en guise d’avertissement.
Sudaroli… je chevauchais à ton côté avec le savāra Vari, vous avez disparu…
“Á! dhúisigh do chapall thú… Ó o! Tar ar! Bí gléasta, sula ligim dom féin imeacht.”
Elle est de retour, parée d’une robe d’un étonnant bleu diaphane et irisé qu’on dirait taillée dans une aile de papillon. Mon désir renaît, elle me désigne quelque chose du doigt, mes vêtements pliés sur le sol, à moins d’un pas. Sans doute me demande-t-elle de m’habiller.
Je me redresse et aperçois un plan d’eau.
« Je vais d’abord aller me baigner, si tu le permets.
— Cad atá á rá agat? À! tá, is smaoineamh maith é, stink tú sásamh na feola! »
C’est propre que j’enfile mon Salavāra kamīza, sous les yeux rieurs de l’apcarā.
« Tu as bien dit Cantirā ? Tu connais mon appā ?
— Tá, Chandra… Is é d’athair é, tá sé follasacht!… Tá tú ag lorg dó, nach bhfuil sé? »
J’espère que son hochement de haut en bas est une approbation.
« Sais-tu où est Cantirā ? Et Sudaroli ? Ou Vari ?
— Chandra, tá. Sudaroli, níl. Vari ach an oiread. Tar liom. »
Elle me prend la main et m’entraîne vers une jonchée qui traverse la grève qui borde le lac. Là, elle m’invite à m’asseoir, ramasse l’une des tiges, dessine sur le sable.
Ça ne ressemble pas à grand-chose, elle trace des signes à côté, mais je ne les comprends pas.
ᛋᚻᚪᚤ
“Shay! is é ainm don mhór-roinn ar a bhfuil muid.”
Elle pose son index sur ma poitrine.
“Tu!”
Puis sur la sienne.
“Mise!”
Elle fait une croix à l’intérieur de son dessin.
ᛋᚻᚪᚤ
“Táimid anseo!”
Ha ! C’est une carte. Elle se désigne de nouveau.
“Mise, Mélusine.”
Et moi.
“Tu?
— Moi ?... Karuppu ṭirākaṉ !
— ha ha ha ha ha ha ha ha!”
Mais qu’est-ce qui la fait rire ainsi ? Elle me montre du doigt, gonfle la poitrine et s’écrit :
« kɐɾupːɯ ʈiɾaːɡɐɐɐɐɐɐɐɐɐɐɐn ! »
Le sang envahit mes joues, je dois à nouveau ressembler à une mātuḷai bien mûre. D’un sourire gourmand, elle désarme la gêne qui me gagnait. Elle se penche, m’embrasse goulûment, s’assied et se met à croquer un visage sur le sable… Mais, c’est moi ! Qu’ajoute-t-elle à l’oreille ? Ha ! La briolette, c’est appā !
« Chandra !
— Oui, continue ! »
Elle ébauche maintenant… un chien ?
“Is é Ó Fenrir, tugann d’athair bʱeː.ɽi.jäː air.
— Bhediya ? Tu as bien dit bhediya ? Dans la langue d’appā, ça veut dire ōnāy.
— Tá, bʱeː.ɽi.jäː!
— Civaṉ ! Appā a été tué par un bhediya ?
— D’imigh Chandra agus bʱeː.ɽi.jäː le chéile. D’fhéadfá beagnach a rá gur cairde iad.”
Elle me montre son index et son majeur de sa main droite joints.
“Chandra!”
Qu’est-ce que cela signifie ? Elle fait de même avec la gauche.
“bʱeː.ɽi.jäː!”
Elle pose, côte à côte, les deux doigts de chacune, et mime deux paires de jambes qui se déplacent. Ha ! Ils sont partis ensemble.
« Où, où sont-ils allés ? »
Elle reprend le jonc, tire un trait qui commence à la croix, descend vers le bas du plan et se termine par une pointe de flèche.
ᛋᚻᚪᚤ
« Eṉ appā, Cantirā, est donc parti par là avec un bhediya. »
Comme je tends le bras dans la direction qu’elle m’a précédemment montré, elle acquiesce de la tête.
“Tá, ach bí an-chúramach Aengus álainn! Ag teorainn na Sionainne, tá go leor saighdiúirí naimhdeacha.”
Elle trace une ligne qui coupe en deux la partie haute de la carte.
ᛋᚻᚪᚤ
Dessous, elle dessine ce qui doit représenter des hommes armés de lances.
ᛋᚻᚪᚤ
{•̃_•̃} {•̃_•̃} {•̃_•̃} {•̃_•̃} {•̃_•̃} {•̃_•̃} {•̃_•̃} {•̃_•̃} {•̃_•̃} {•̃_•̃} {•̃_•̃} {•̃_•̃} {•̃_•̃}{•̃_•̃}
« Ha ha ha ha ha ! »
Mon éclat de rire fait disparaître de sa face l’outrancière grimace censée représenter un cruel guerrier ; et cesser sa gesticulation vindicative. Un sourire irradie son visage, elle me prend les mains, me relève, m’embrasse tendrement.
“Tar ar! fág anois, sula gcinnfidh mé tú a choinneáil gar dom. Téigh a aimsiú do athair!”
Elle me pousse en direction de mes chevaux, ho ! elle m’a mis une claque sur la fesse. Je me retourne, du geste elle m’indique de continuer mon chemin.
“Hey! cosantóir faire anuas air, mise, bheinn ag faire ar ár n-uibheacha.”
Intrigué, je regarde dans sa direction, je la vois de dos. Elle se dirige vers le lac, ôte sa robe, pénètre dans l’eau. Civaṉ ! Des écailles naissent sur sa peau ! Elle est réellement une apcarā !
Que m’est-il arrivé ? Je chevauchais avec Sudaroli et le savāra… Nous revenions de chez la septième femme figurant sur la liste que nous avait remise Vâtsyâyana–jī.
Le kuru ignorait où appā avait pu se rendre après l’ultime cours qu’il avait suivi. Aussi avait-il gravé sur une feuille de palmier, les noms et adresses de celles à qui son élève était susceptible d’avoir rendu visite ce soir-là.
« Évidemment, je connais Jayapura ke Candra Comment l’oublier ? La dernière fois qu’il est venu chez moi c’était il y a plus d’un an. C’était… oui, c’est ça, c’était un jyēṣṭha kā candravāra ! 5, mais je ne sais plus lequel… peut-être le dernier, mais je n’en suis pas certaine. Comme toujours, il est parti au petit matin. Quand vous le verrez, dites-lui que sa visite me ravirait ! »
Il semblait que ce soit en sortant de chez elle que notre appā eût disparu. Nous nous étions vainement enquis aux alentours de personnes se souvenant d’étrangetés qui seraient survenues à cette époque.
Nous retournions à Banārasa par la route que nous avions empruntée à l’aller, lorsque l’impossible se produisit. Au petit trot, nous allions de front (au bout de leur longe, nos montures de substitution nous emboîtaient le pas), spéculant sur ce qui avait bien pu arriver à Candra. Je m’adressais au savāra, quand je vis la stupéfaction envahir les traits de Sudaroli, qui se tenait entre nous. Je suivis son regard et découvris, horrifié, que l’encolure de Gaḍạgaḍạāhaṭa avait été tranchée nette. Loin de s’écrouler, il fit une foulée et la partie manquante réapparue. Sidéré, je me retournai et ne discernai que l’avant-main de Rādhikā, puis, comme elle continua à avancer, l’arrière-main émergea progressivement du néant. Ébahi, je réalisai que dans mon mouvement pour jeter un coup d’œil derrière moi, ni ma sœur ni Vari n’avaient traversé mon champ de vision. Ils avaient disparu !
En vérité, ce fut exactement l’inverse. C’est moi qui fus effacé comme la tête et le cou de Gaḍạgaḍạāhaṭa, puis les flancs, la croupe, les postérieures et la queue de Rādhikā. Quoique pour cette dernière, je suppose qu’au contraire c’était la partie apparente de la jument.
J’avais traversé un voile invisible et totalement opaque. Il était indécelable, mais il supprimait la présence physique de ce qui y était engagé, d’un côté comme de l’autre. La forêt changea, je suis arrivé dans cette clairière, le lac et… rien. Me suis-je évanoui ?
L’apcarā… Mélusine 𝄽  elle est… Je n’ai de mots ni pour la décrire ni pour évoquer ce que nous avons partagé, seuls mes souvenirs peuvent l’exprimer. Je les ressasse sans cesse. Son accueil fut aussi providentiel que chaleureux, elle connaît Cantirā6, m’a indiqué le chemin qu’il a suivi.
Cela fait huit jours que tantôt sur le Māravāḍạī, tantôt sur la Kāṭhiyāvāḍạī, je fais route vers le sud.
Les gens ne me comprennent pas et je n’entends pas plus ce qu’ils me disent. Je n’ai obtenu qu’une réaction au nom de Cantirā. Celle d’un homme, probablement un aubergiste. À l’évocation du nom d’appā, il a vociféré et m’a chassé en lançant divers légumes dans ma direction. J’en ai ramassé quelques-uns.
Je dors à la belle étoile, me nourris de baies, de fruits et de racines. Je n’ai prélevé aucune vie. Je m’abreuve, comme Gaḍạgaḍạāhaṭa et Rādhikā, aux nombreux rus que nous croisons. La végétation est généreuse ici, nous traversons maintes prairies, les chevaux ont leur soûl de pâture.
Avant-hier, un couple d’aînés m’a convié à partager son déjeuner. Des paysans isolés, ils se sont adressés à moi comme à un enfant, mimant tout ce qu’ils disaient. Je les ai remerciés et leur ai raconté que j’étais à la recherche de mon père, Cantirā, que je ne l’avais jamais vu ! Que ma mère parlait souvent de lui, à ma sœur et moi ! Qu’un lien magique les unissait, qu’il s’était rompu, ce qui avait provoqué ma quête ! Que j’ignorais où j’étais et comment j’y étais arrivé, mais que je savais que mon appā avait suivi cette route ! Mélusine me l’avait dit. Ils hochaient régulièrement la tête, émettant des “hon-hon”, comme s’ils comprenaient. S’ils ne manifestèrent pas d’intérêt particulier au mot Cantirā, à celui de Mélusine, ils échangèrent un sourire, j’ai rougi. Néanmoins, cela me fut agréable de parler et d’être écouté. Avant que je parte, chacun me tint longuement embrassé. Avaient-ils perdu un enfant ?
Trêve de rêvasseries ! Ces hommes armés, que j’aperçois sur l’autre berge de la rivière que je suis, pourraient bien être ceux que Mélusine a dessinés. Ils semblent garder le gué, ont-ils l’intention de m’interdire le passage ? Est-ce ce que voulait dire l’apcarā ?
Je ne vais pas tarder à la savoir !
“Áblinne!” s’écrit l’un d’eux.
C’est sûrement le chef, qui m’interpelle.
« Nāṉ karuppu ṭirākaṉ !
— Þú ne ġecnǣwþ englisc? »
C’est un dialogue de sourds. Pour me préparer à un affrontement, je mène Gaḍạgaḍạāhaṭa au milieu du cours d’eau. Répondant à un double claquement de langue, Rādhikā vient se placer à mon côté. Je tire sur la cordelette qui libère la longe de son licol.
“Áblinne!” répète-t-il.
Ses soldats pointent leurs piques dans ma direction. Il ajoute :
“On hand gā!
— Je suis à la recherche de mon appā, il est parti dans le sud. Je n’ai pas de mauvaises intentions !”
En disant ses mots, je détache, de l’anneau fixé sur le quartier arrière de ma selle, l’autre extrémité de la lanière, la roule et la range dans la fonte appropriée.
Certains reculent pour me laisser accéder à la berge, mais ils ont adopté une formation en nasse. Je vérifie que mon ōrilaicuruḷ est enroulée autour de ma ceinture et m’empare d’une aintilaic curuḷ. À peine Gaḍạgaḍạāhaṭa a-t-il posé un sabot sur la rive, je mets lestement pied à terre.
Hé biþ hræfnsweart! éructe l’un.
— Hit biþ fláh feónd gemáh! surenchérit un autre.
— Je suis à la recherche de Cantirā”, hasardé-je.
Vu d'un Angle
L’interdiction des potions préparées par les sorcières – seules médications connues pour soigner la maladie bleue – incitait les Celtes à aller en quérir ailleurs, voire à s’y réfugier avec leurs enfants.
En conséquence, Niall avait fait fermer les frontières de Shannon.
Les céimeanna an thiar avaient fait sécession. Rimilda pleurait son mari bien-aimé, et voulait la mort de son neveu. Les chevaliers de la foi établirent un cordon sanitaire aux limites du marquisat.
Loin de là, le þeġn Denewulf – qui n’était ni valeureux, ni puissant, ni courageux, ni perspicace, ni résolu – s’était vu confier la surveillance d’un gué sur an abhainn ag tonnail.
Denewulf
Bivouaquer ici, quelle corvée ! Garde-frontière, tu parles d’un poste gratifiant ! Ça fait quatre jours que je n’ai pas jeté une endêvée sur ma paillasse pour lui apprendre ce qu’il en coûte de ne pas respecter la loi. Et cette bouffe dégueulasse qui m’ravage les tripes, y’en a un qui va m’payer ça.
« Chef, v’là deux cavaliers qui viennent d’Shanya ! » m’interpelle la sentinelle.
Putain ! Pas moyen d’être tranquille aux feuillées.
« À vos postes ! ordonné-je. J’vous rejoins ! »
Le temps de me torcher, de me reboutonner. Quand j’arrive, je vois approcher deux chevaux, un moreau et un tobiano, très beaux d’ailleurs, mais un seul homme.
« Halte ! m’écrié-je.
— Nāṉ karuppu ṭirākaṉ !
— Tu ne comprends pas l’angle ? »
Il avance au milieu du gué, détache la bête dessellée. Veut-il me l’offrir pour que je le laisse passer ? C’est une magnifique jument.
« Halte ! » répété-je.
Mes piquiers pointent leurs armes dans sa direction. J’ajoute :
« Rends-toi !
— Nāṉ eṉ appā tēṭukiṟēṉ, avar teṟkē ceṉṟuviṭṭār. Eṉakku enta keṭṭa eṇṇamum illai! » baragouine-t-il.
D’un geste, j’enjoins aux fantassins de former une nasse.
Mais ! Les oreilles de la cavale sont tordues… celles du mâle aussi, sont-ils malades ? Fais chier ! Y vaut mieux pas accepter, si y’a un agent de renseignements dans ma section, ça m’coûterait la vie.
L’étranger a repris sa progression.
À treize contre un, je dois pouvoir m’emparer des deux chevaux, sans faillir à mon devoir.
À peine l’étalon a-t-il posé un sabot sur la rive, que l’énergumène arrête ses montures et saute à terre.
Ha ! Le con, y s’engage pas dans la souricière. Qu’est c’qu’il tient ? Un genre de fouet.
« Il est noir comme un corbeau ! éructe Eadbeald.
— C’est un démon trompeur impie ! surenchérit Regnheah.
— Nāṉ Cantirā tēṭukiṟēṉ », jargonne l’inconnu.
Chandra ? Il a dit Chandra ! Ça n’peut pas être lui, il paraît qu’il a la peau halée, mais pas noire ; qu’il voyage avec un loup gigantesque et parle ceilteach. Voyons voir !
“An tusa Chandra ? An labhraíonn tú Ceilteach?
— Cantirā ? Ām ! Cantirā uṉakku teriyumā ?”
Merde, j’comprends pas ç’qui raconte, mais il arrête pas d’répéter Chandra.
« Chandra ?
— Cantirā ? »
Son espèce de fouet a l’air dangereux, à douze ils arriveront bien à le maîtriser.
« Saisissez-le ! » enjoins-je, en reculant de trois pas.
Hasts en avant, mes piquiers se précipitent vers lui. Les plus près de an abhainn ag tonnail s’engagent dans l’eau pour l’encercler.
Alwealda ! C’est quoi ce truc, son hweop, c’en est pas un, il a fait du p’tit bois avec les hampes des lances de Walahfrid et Saefugl qui l’contournaient. Merde, les deux canassons leur ont défoncé l’crâne à coup d’sabot.
« Tuez-le ! »
Qu’Alwealda nous protège ! Les beaduméceas de son instrument volent dans tous les sens, car ce sont des lames, pas des lanières. Elles sectionnent la chair comme le bois !
Quand Eadbeald – qui attaquait l’adversaire sur sa droite –, après avoir perdu la pointe de son arme, décida de poursuivre son assaut seaxbenn à la main, sa tête l’abandonna pour aller rouler sur le sol. Byrhtferth en profita pour tenter de l’embrocher par sa gauche, mais la pique passa au-dessus du crâne de sa cible qui s’était accroupie, les lamelles d’acier tranchèrent les jambes de mon subalterne.
Maintenant, ce sont Ceolfrith, Aelfwaru, Hwaetbert et Theodoric qui fondent sur lui de concert. Tandis que Hwaetbert et Theodoric, après avoir été privés du fer de leurs pertuisanes, se font déchiqueter par les serpents qui sifflent dans l’air au rythme de la danse de mort qu’exécute Chandra. Inconscients du danger, Ceolfrith et Aelfwaru, pensant prendre à revers le démon noir, le sont eux-mêmes par les surprenants supplétifs de celui-ci, qui les piétinent, les réduisent en deux masses informes.
Regnheah et Ulfcytel s’enfuient comme des lâches. Ils payeront ça.
« Gardez-moi ! » intimé-je aux deux survivants, en entamant une prudente retraite.
Qu’Alwealda soit remercié, le tueur sanguinaire vient d’enfourcher le moreau, et tous trois poursuivent leur chemin.
« Oswyn, amène-moi un des pigeons de l’Ealdormann, puis avec Freodhoric préparez un bûcher pour vos camarades ! » lancé-je en regagnant ma tente.
« Ealdormann Guthfrith,
Nous avons été attaqués par le dénommé Chandra et deux autres démons de forme équine.
Les piquiers Regnheah et Ulfcytel ont déserté dès le début de l’affrontement.
Blessé à la cuisse, je suis le seul rescapé, j’aurais volontiers sacrifié ma vie pour les retarder, mais j’ai pensé qu’il était de mon devoir de vous prévenir que nos assaillants se dirigent vers vous.
Votre dévoué þeġn Denewulf. »
Je roule le message et le place dans le tube que j’accroche à la bague du pigeon.
« Vole mon beau, rentre chez toi. »
« Les gars, venez, le medu nous aidera à oublier cette journée, à rendre hommage à nos camarades morts. »
Ivres comme ils étaient, il m’a été facile de les tuer. Maintenant, il me faut les traîner jusqu’au bûcher et les poser dessus. Après il me restera la tâche la plus pénible : me blesser sans que cela soit grave, tout en ayant l’air de l’être.
Allez, un verre de medu… « Aiiiie ! »
चन्द्र
« Namasté, dis-je en m’inclinant, les paumes jointes devant le chakra du cœur. La comtesse Niamh pourrait-elle me recevoir ? Je me nomme Chandra.
— Je me souviens de vous, prince, mais la comtesse est absente. Si vous souhaitez l’attendre, veuillez entrer, je vous servirai un rafraîchissement ! m’informa une délicieuse jeune femme.
— Non, merci. J’ai d’autres visites à rendre, j’essayerais de repasser. Faites-lui part de mon affection. »
Tant pis, puisqu’elle est sortie, je vais aller directement présenter mes hommages à la Bandrui. Je n’ai que quelques pas à faire pour rejoindre la place centrale où se trouve sa résidence.
« Namasté… La Bandrui, pourrait-elle me recevoir ? Je me nomme Chandra, déclaré-je au jeune homme qui vint m’ouvrir.
— Veuillez entrer, asseyez-vous. Je vais immédiatement la prévenir ! »
Je le suis du regard, il tourne au fond d’un couloir… Je l’entends frapper à une porte.
Alors que je me prépare à attendre, des cris retentissent, suivis par des bruits de sandales qui heurtent le sol au pas de course. Je vois apparaître Maebd qui court vers moi, puis, à distance, Niamh ralentie par une grossesse de cinq mhí.
La druidesse se jette littéralement sur moi, m’étreint frénétiquement. Elle me désenlace, ses mains se posent sur mes épaules, elle me fait légèrement reculer, me dévisage et s’extasie :
« Chandra ! C’est bien toi ! Chandra, c’est merveilleux, Bhediya va bien ? »
Éberlué, alors que je balbutie un namasté, sans répondre à sa question aussi surprenante que son comportement, Niamh écarte délicatement la Bandrui de moi et m’embrasse à son tour, s’étonnant :
« Libre ! Tu es libre ! Nous avons eu si peur pour toi ! »
Elle me donne un tendre baiser. Quand nos bouches se séparent, je lis l’interrogation dans les yeux de Maebd.
« Bhediya va très bien, il est à l’extérieur de la ville avec sa meute ! Mais que se passe-t-il ?
— Venez, allons nous installer tous trois dans mon cabinet. Gildas ! Fais-nous servir une collation », décide Maebd.
En nous dirigeant vers notre destination, je demande à la comtesse comment elle se porte.
« Très bien, mais nous en parlerons plus tard, si tu veux bien.
— Entrez, asseyez-vous, nous invite la druidesse… Chandra, ces derniers jours, de nombreux pigeons sont arrivés de Shannon. Tous les messages te mentionnaient…
— Quoi ? Moi ? Pourquoi ?
— Je comprends ton incompréhension, mais s’il te plaît écoute-moi sans m’interrompre, tu en sauras autant que nous. Le premier rapportait que le héraut du despote avait proclamé : “L’étranger connu sous le nom de Chandra assisté par deux autres démons a lâchement assassiné, dans leur sommeil, douze piquiers”. Je fus aussi surprise que tu l’es, mais ce n’est pas tout. Le deuxième annonçait que tu avais été fait prisonnier. Le troisième relatait que Niall se vantait que ses soldats t’avaient traqué comme un rat et pris dans leurs rets. Le quatrième précisait que ceux qui t’avaient capturé ne t’ont pas encore conduit à Erestia, m’explique la Bandrui.
— Qu’est-ce que ça veut dire ? questionné-je, abasourdi.
— Nous n’en savons pas plus que toi, nous étions inquiètes, et je me demandais ce qu’était devenu Bhediya. J’ai cherché qui pouvaient être les prétendus démons dont parle le premier billet, j’ai supposé qu’il s’agissait de lui et de ta jument dont tu nous as vanté les qualités de combattante. Comme il n’est plus fait mention d’eux dans les suivants, j’étais préoccupée par leur sort, essentiellement celui de Bhediya avec qui je suis liée par une très ancienne amitié. Mais tu es ici, avec nous, et tu m’as assuré que Bhediya va bien.
— Nous allons très bien. Niamh, comme ton factotum n’a sûrement pas manqué de te le notifier : après notre départ d’Alastyn, nous avons accosté à Fiume ; je me suis rendu à ton domaine, j’y ai récupéré Chaitali. J’ai dû décliner son hospitalité, car j’avais hâte de retrouver le bijou que Aubierge m’avait chapardé avant de tomber entre les griffes de Niall…
— Effectivement, mon intendant m’a informée que tu avais repoussé la voie maritime et immédiatement pris la route. Maebd et moi en avions déduit que – pressés d’atteindre Erestia – vous aviez emprunté le chemin le plus court en pénétrant dans la contrée de Shannon aux environs de Haf bracch. Nous n’avions pas imaginé que vous étiez restés au sud du Gàirdean Lir, ce qui vous oblige à le traverser. Mais je… nous sommes ravies de ce choix, puisqu’il t’a conduit ici.
— Bhediya m’avait proposé l’itinéraire que tu évoques, mais nous avions laissé sa meute dans la forêt de Brucélionde, je ne pouvais accepter qu’il l'abandonne.
— Nous voilà rassurées, mais qui vont-ils exécuter pour le mariage de Niall avec Aubierge Martô ? questionne la Bandrui. Car il est arrivé une cinquième missive qui annonçait que ta mise à mort ferait partie des réjouissances prévues pour fêter les noces du despote. Merci, Blánaid, pose ça là. Niamh, Chandra, servez-vous !
— Merci !
— Merci, dis-je en m’emparant d’une pâtisserie au miel.
— Il y a déjà près de deux mhí que Niall a fixé la date de la cérémonie nuptiale au jour précédent la onze aedrini, reprend notre hôtesse. D’après nos antennes, la baronne Martô serait enceinte, elles ajoutent qu’il semble improbable que Niall soit le père…
— Devine à qui nous l’attribuons, intervient la comtesse.
— Heu !
— La marquise Teafa pense également porter un enfant. Chut ! Attends ! Aífe et Scáthach sont aussi persuadées d’être prégnantes. Dans leur cas, les possibilités sont multiples », précise Maebd, amusée.
Le rire de Niamh résonne avec celui de la Bandrui. Pris au dépourvu, je me joins à elles, sans savoir si c’est adéquat. La comtesse se penche et me chuchote à l’oreille, mais suffisamment fort pour que Maebd l’entende :
« Mon tendre Chandra, as-tu l’intention de conquérir Shay, par enfants interposés ?
— Je… ce n’est pas… je n’ai…
— Je te taquine ! Ha ha ha ha ! Tu n’as pas pour dessein de te reproduire à tout va, je le sais très bien. Mais quand on aime les femmes comme tu les aimes, il arrive qu’on en féconde.
— Hum hum ! intervient Maebd. Un fruit ? Un gâteau ? Cervoise ? Eau ? Vous fêterez vos retrouvailles plus tard. Chandra, tu diras à Bhediya que la reine Eileen et moi portons également des enfants…
— Ha ! C’est merveilleux, Menskr est-il là ? Que je le salue.
— Non, Menskr a repris son périple à travers le monde, mais je sais qu’il sera enchanté d’apprendre la nouvelle, répond-elle en esquissant un sourire.
— Il est loin ? Vous l’avez fait prévenir…
— S’il te plaît, ne me vouvoie pas. Oui, je me suis débrouillée pour l’en informer, et il ne devrait plus tarder à en être avisé. »
Erestia, la 20 elembiu

Divin Chandra,
Dis-moi que ce n’est pas vrai ! Que c’est un mensonge de ce monstre qu’est le despote ! Dis-moi que tu es libre !
Je te regarde briller dans un ciel sans nuages, et cela ne suffit pas à me rassurer. Je rumine de sombres pensées. C’est un Niall surexcité qui est entré cet après-midi dans ma chambre, à peine avait-il congédié mes soi-disant femmes de compagnie, qu’il me jeta – une fois de plus – sur mon lit où, après avoir retroussé mes jupes, il pénétra violemment mon fondement. Il exultait en me ravageant les entrailles et m’anéantit en me hurlant :
« Réjouis-toi, chienne, l’ealdormann Guthfrith nous amène ton cher Chandra ici, à Erestia. Il sera l’invité d’honneur de notre mariage ! » Puis, tout en s’activant, il ajouta : « J’hésite, ferai-je exécuter ce maudit démon, comme mon oncle, devant une foule déchaînée ? Ou… ou… » Après avoir poussé des han de bûcheron, il reprit : « Putain qu’c’est bon ! J’en jouis d’avance. L’offrirai-je à quelqu’un qui s’en régalera, comme d’un scarabée insignifiant ? »
Il manqua m’arracher la tête, tellement il tira sur mes cheveux – qu’il avait empoignés – en se soulageant en moi.
Il prétend qu’il a été contraint de te faire arrêter parce que tu aurais tué douze innocents pendant leur sommeil. Il ment, j’en ai la certitude, ce n’est pas plausible, je te connais, tu es incapable de faire une chose pareille.
Je ne sais comment l’expliquer, c’est un effet de ma folie. Si j’écrivais réellement ces lettres. S’il existait une éventualité, aussi improbable soit-elle, que tu en aies connaissance, je n’oserais pas en parler. Bien qu’impossible, ton enfant, notre enfant, il m’apaise, me rassérène.
Cela ne se produira pas, tu ne mourras pas ici, le jour de ces maudites noces.
Je t’aime. Nous t’aimons !
भेड़िया
Excuse-moi, je suis pressé, je fais juste, un bref petit détour pour te rapporter ce que Chandra vient de m’apprendre, à son retour de chez la comtesse Niamh. Tu ne peux concevoir comme c’est épuisant de sauter d’une tanière à l’autre sans prendre le temps de se rendre dans le château d’au moins l’une des contrées visitées 7.
Mais oui, bien sûr, ta tête est ma villégiature préférée.
Sinon, je ne serais pas là, à papoter avec toi, alors que simultanément, avec ma meute et Chandra, nous traversons Alexandia. En lénifier la population demande quasiment toute mon attention.
Tout va très bien, Chandra a parfaitement rempli son rôle et je ne sais t’exprimer la satisfaction que me procure l’annonce de la grossesse de Maebd. J’ai réussi à déjouer deux malédictions :
– La première condamnait les membres de la lignée de Sköll à ne concevoir qu’un descendant. Avec Neige et l’enfant à venir de Maebd, j’en aurai deux.
– Bien que tous portent les gènes de Loki, la seconde imposait que tous dussent avoir une apparence lupine. Celui à naître aura forme humaine.
Bon, comme on le chante chez toi : « Pourtant, il faut, il faut que l’on vous dise, on déplore un tout petit rien… »
Ne rêve pas, je ne vais pas te vouvoyer, et ne t’imagine pas que je puis être ton valet fidèle. Trêve de plaisanteries, Maebd m’attend au port.
Le tout petit rien en question, c’est une fausse nouvelle. Niall crie sur tous les toits que ses troupes détiennent Chandra – lequel marche à mon côté – et qu’il va le faire exécuter pour ses noces.
Franchement, avant toutes autres considérations, il faut vraiment être dérangé pour se dire : « Tiens ! Et si l’on écorchait quelqu’un, sous les yeux de tous mes convives, pendant le banquet qui suivra mon mariage. » Dans sa cervelle, ce ne doit être que volcans en éruption, tremblements de terre permanents, atmosphère saturée de soufre et vapeurs méphitiques.
La question est : qui peut bien être le prisonnier du despote ? Le nāga dont j’ai découvert la présence chez Mélusine, dans ta mémoire.
Dis-moi, qui pourrait confondre une telle créature avec Chandra ? Les messages le qualifient de démon, ce qui m’empêche d’exclure cette hypothèse, bien que chez ces gens, ce mot soit utilisé pour désigner toute personne qu’ils détestent.
Les Angles sont-ils capables de vaincre un être de cette nature ? Il est fait mention de rets, est-ce envisageable avec des filets très solides ?
La solution est-elle quelque part dans ta mémoire ?
Comment ? Un fils ? Tu en as la certitude ?
Ça alors, tu te ris de moi ! Tu m’as dissimulé ce que l’autre 8 t’avait révélé, me laissant spéculer sur la possibilité d’une éventuelle capture de l’anguipède, même si tu savais que le postulat de base était erroné.
La journée est trop belle pour que je t’en veuille, en outre la connaissance de cette information a une grande valeur pour moi. Mais tu as le goût du risque.
Comment aurais-je pu deviner qu’il s’agissait d’un fils de Chandra, alors que lui-même en ignorait l’existence ? Que fait-il en ce monde ? Le nāga et maintenant lui, ça commence à faire beaucoup ! Essaierait-on de contrarier mes projets ?
Quelle pourrait être la réaction de Chandra s’il apprenait que le condamné est son enfant ? On le saura bien assez tôt, il est inutile qu’il s’angoisse prématurément.
En fin de compte, l’identité du détenu ne change rien !
La Bandrui, ma chère Maebd, a offert à Chandra de mettre un navire à notre disposition pour nous permettre de rallier les environs d’Erestia le plus rapidement possible. Elle ne peut en faire plus, il n’est évidemment pas envisageable que Shanyl participe à l’enlèvement de la promise au despote.
Tout à fait entre nous, cela doit rester secret : je commence à douter qu’il soit indispensable de récupérer la briolette, puisque les conséquences, générées par la rupture du lien magique, que je présentais, se sont déjà produites. Chandra y tient, je lui dois bien ça. Mais il est hors de question d’exfiltrer la baronne Martô. Quand la chance est avec toi, il ne faut surtout pas la contrarier. Si Aubierge mettait au monde un garçon, il serait le futur despote. Que demander de plus ?
Quant à sauver la vie du fils de Chandra, nous tenterons tout ce que nous pourrons, si nous arrivons à temps. Si nous réussissons, je lui révélerais leur lien filial.
Nous arrivons au port, j’aperçois le sourire de Maebd, elle va me grattouiller entre les oreilles, hummm !
Thanjavur
Vijayinī entra au galop dans la cour du tañcaip peruvuṭaiyār kōyil. Les réactions des prêtres et servants présents oscillèrent entre la réprobation d’une telle incongruité, l’émerveillement devant la magnificence de la jument dorée et l’indulgence coutumière envers Sudaroli. Celle-ci arrêta sa monture, sauta à terre et partit en courant à la recherche de sa mère.
Deux novices prirent en charge Vijayinī trempée de sueur.
Vasikari chantait :
« …
ஓம் நம சிவாய
Ōm nama civāya
ॐ नमः शिवाय
Oṃ namaḥ śivāya
Om Na Ma Śi Vā Ya
Om namah shivaya »
Un bruit pénétra l’orbe de sérénité généré par le mantra : des pieds frappant le sol, le martèlement d’une course, ce tempo… Sudaroli ! Seulement Sudaroli ! Le chant s’interrompit, le Rudrākṣa ne rejoignit pas son prédécesseur, il resta prisonnier du pouce et de l’index de la devadāsī.
Sudaroli courait, esquissant à peine des vaṇakkam 9 en passant devant les représentations de divinités ; elle prit le couloir sur sa droite, alors que sa mère y apparaissait son mālā à la main. Elle se jeta contre Vasikari, l’étreignit, réussit à dire « am’mā, Ṭirākaṉ ! a disparu, comme Appā ! » avant de fondre en larmes. La devadāsī embrassa sa fille, la berça contre elle, l’entraîna dans sa chambre, l’allongea sur sa couche où Sudaroli, épuisée, ne tarda pas à s’endormir.
Vasikari se rendit dans la vimāṉam et dansa devant le Civa liṅkam, elle dansa longtemps, le temps ne comptait plus, elle communiait avec Civaṉ. Ce fut un paṇṭiṭ 10 qui la tira de sa transe :
« Mon enfant, tu dois aller te reposer, demain tu pars pour Rutravās 11. Tu danseras au Kāśī viśvanātha mandira comme tu n’as jamais dansé. Réjouis Civaṉ et il te permettra de secourir ton fils.
— J’obéirais, paṇṭiṭ, dit-elle en s’agenouillant et lui baisant les mains. Merci, merci, merci… »
Le lendemain, à l’aube, Sudaroli et Vasikari prirent la route pour Banārasa ; la fille sur une Vijayinī revigorée, la mère dans un char conduit par un neveu de l’aracaṉ Cōḻar 12.
Candra Mahala à Jaipur
La mahārājñī Dalaja entra sans se faire annoncer dans le salon du mahārāja Vijaya, brandissant une palme, qu’elle lui tendit en lui intimant de la lire.
Avec un soupir d’agacement, il saisit la missive (autant obtempérer, je gagnerais du temps) et déchiffra :
« Mahārājñī,
J’ai regret à vous informer que nous n’avons trouvé aucune trace de votre fils bien-aimé, le rājakumāra Candra. Malheureusement, je dois également vous apprendre qu’alors que nous chevauchions côte à côte, le beṭā de la devadāsī, que vous chérissez comme votre pōtā, a disparu sous nos yeux.
Il ne s’est pas volatilisé instantanément. Il fut effacé comme s’il avançait dans une rue perpendiculaire à la nôtre et que l’angle d’un bâtiment le dissimulait à notre vue au fur et à mesure de sa progression. Or, nous ne nous trouvions pas dans une ville, mais sur une laie ; il ne se déplaçait pas sur une voie croisant la mienne, il trottait de conserve avec moi ; il n’y avait aucun obstacle entre lui et moi, autre que sa sœur Sudaroli, pour le soustraire à mon regard. Laquelle réagit avec promptitude, sautant du dos de Vijayinī sur celui de Rādhikā (qui suivait Gaḍạgaḍạāhaṭa dont on ne discernait plus que la croupe) ; cependant, tandis que la jument pénétrait ailleurs, la beṭī de la devadāsī fut repoussée sans brutalité, mais avec fermeté (selon ses dires). Sans son exceptionnelle agilité, elle serait tombée derrière la queue dissipée de la Kāṭhiyāvāḍạī.
J’ose avancer deux hypothèses :
– Une divinité est à l’origine de cette disparition (ou plusieurs). Bienveillante ou malintentionnée ? Je ne saurais me prononcer.
– Le rājakumāra Candra s’est très probablement évanoui au même endroit. C’est en revenant de chez la personne, chez qui il s’était rendu après le dernier cours que le guru Vâtsyâyana lui ait prodigué, que se sont produits les évènements que je viens de vous relater.
J’ai marqué quatre arbres délimitant l’espace dans lequel le jeune Karuppu ṭirākaṉ nous a quittés. Après l’avoir vainement cherché, sa sœur et moi sommes rentrés à Banārasa, où elle a aussitôt pris la route pour Thanjavur, pour aviser sa mère de ce qui est arrivé à son frère.
Dès que j’aurai terminé la rédaction de cette lettre, je demanderai au rājā Ajātaśatru Kāśya, qui nous héberge, d’avoir l’obligeance de vous le faire porter par son messager le plus rapide.
Je vais mettre en place un campement sur les lieux de la regrettable mésaventure que je n’ai su éviter, et m’y installer, dans l’espoir de les voir réapparaître.
Veuillez pardonner mon impéritie, dans l’attente de vos ordres.
Le savāra Vari. »
Songeur, le mahārāja roula la feuille de palmier, la posa sur la table et prit les mains de Dalaja dans les siennes.
Vari est toujours aussi fin stratège, il écrit tout ce qu’elle veut lire “votre fils bien-aimé”, “que vous chérissez comme votre pōtā”. Il encense la petite : “sa prompte réaction”, “son exceptionnelle agilité”… on pourrait croire qu’il désire l’épouser ? Mais non ! Il met un baume sur la mauvaise nouvelle.
« Mon amour, que souhaites-tu que je fasse ?
— Je ne sais pas, moi ! Envoie des hommes à la recherche de ton beṭā et du sien, qu’ils tentent de les rejoindre là où ils sont !
— D’accord, je vais y dépêcher trente cavaliers.
— Cent !
— Cinquante avec Bahādura à leur tête.
— Et des éléphants, les devatāoṃ seuls savent ce qu’ils devront affronter.
— Cela va considérablement les ralentir.
— La cavalerie n’est pas obligée de les attendre, ils la rallieront à Banārasa.
— J’en mobiliserai dix.
— Trente !
— Quinze ! Mais tout cela reste soumis à l’agrément d’Ajātaśatru, je ne peux expédier de tels détachements sur son territoire sans son autorisation.
— Mais ce n’est pas possible, cela va prendre une éternité.
— Je ne peux pas, il me faut également demander au rājā d’Āgrā pour traverser ses terres.
— Envoie un émissaire devant tes troupes, s’ils doivent contourner Āgrā, qu’ils le fassent. S’ils ne peuvent entrer en Banārasa, ils feront ce que tu auras résolu ! Si quiconque s’oppose à ce que tes soldats aillent porter secours à ton beṭā et ton pōtā, il t’appartient de décider, comment tu considéreras un tel affront !
— Tout doux, tigresse, aucun ne refusera que je porte assistance à Candra et à un protégé de la mahārājñī.
— Il faut des présents pour les brāhmaṇoṃ, pour nous concilier les devatāoṃ.
— Laisse la devadāsī s’occuper des devatāoṃ, n’est-elle pas l’épouse de Śiva ! Maintenant, retire-toi, je dois donner des ordres pour te donner satisfaction. »
Dalaja se leva, embrassa Vijaya et quitta le salon de celui-ci.
Erestia, la 26 elembiu

Chandra, mon aimé,
Ce n’est pas parce que tu es absent du ciel ce soir que tu croupis dans les geôles de ce maudit château.
Ce n’est pas parce que la nuit est noire que tu es ce prisonnier à peau noire, dont Niall affirme qu’il s’agit de toi.
Cet après-midi, ce dernier est venu, très fièrement, m’annoncer que l’ealdormann Guthfrith était enfin arrivé, ce matin, à Erestia et que l’on t’avait aussitôt jeté dans un “cul-de-basse-fosse”. J’ai eu l’audace de lui dire qu’il se murmurait que son captif avait l’épiderme sombre, et qu’il n’était peut-être pas celui que l’on prétendait (je n’en reviens toujours pas).
Fou de rage, il m’a giflée, a attrapé mon poignet et m’a traînée derrière lui, jusqu’à la cellule dans laquelle croupissait le détenu censé être toi.
Là, je l’ai vu, il a tes traits. J’ai tout de suite reconnu ton visage, ça m’a fait chaud au cœur et cela me l’a dévasté. Cependant, il est noir, a le crâne nu et c’est à peine un homme, on dirait un adolescent. Comme je fis remarquer au despote que s’il te ressemblait, il n’avait ni ta maturité, ni ta chevelure, ni ta couleur. À l'énonciation de ton prénom, le pauvre garçon se mit à débiter une suite de sons incompréhensibles dans lesquels je distinguais néanmoins, très clairement et à plusieurs reprises, le mot “Chandra”.
Malheureusement, ce fut également le cas de Niall, qui argua que tu ne cessais de te targuer de ton nom. Que tu es un démon, que l’on ne peut déduire un âge de ton apparence, que tu as sans doute des milliers d’années. Et, que nous te voyions, maintenant, sous ta véritable tournure. Que c’est le monstrueux loup (un þyrs 13 dont tu ne serais qu’une marionnette) qui t’habillait de la forme humaine sous laquelle tu t’es présenté au palais d’Alastyn ! Que c’est lui aussi qui te permettait de parler dans nos langues bien lointaines de celle de ton engeance que nous entendions à présent ! Qu’alors, Biriya t’avait fait dire qu’il était dans ta tête et parlait par ta bouche !
Il me fut impossible de lui faire entendre raison. Il vous rend, Biriya et toi, responsable de la mort de mon frère. Il te hait, il veut du sang. Tant pis s’il verse celui d’un innocent (je n'insinue pas par-là que tu ne l’es pas), il se réjouira des sévices qu’il lui infligera comme s’il s’agissait de toi.
Lors de mon retour dans ma prison, tout le personnel avait été changé.
C’est horrible, j’ai beau essayer de penser à autre chose, cette question me tourmente : cet âge, cette ressemblance ! Aurais-tu un fils ?
L’homme qui va m’épouser, va-t-il faire torturer à mort le frère de notre enfant pour notre mariage ?
Je suis perdue ! La mort me hante, fais quelque chose ! Je t’en supplie, je ne pourrai supporter cette abomination !
Sauve-nous, ta progéniture et moi. Le jour de ces maudites noces approche.
Nous t’aimons ! Nous avons besoin de toi. ❤️❤️❤️
 கருப்பு டிராகன்
Am’mā, pardonne-moi, je ne te ramènerai pas appā !
Quatre hommes viennent de me transporter – attaché, les quatre membres écartés, sur une structure en bois – de mon cachot à une salle dans laquelle de nombreux hôtes semblent festoyer. Ils sont curieusement assis – d’un seul côté de hautes tables, formant trois côtés d’un rectangle – sur des meubles qui leur donnent la position de celui qui, installé sur le parapet d’un petit pont, laisse pendre ses jambes dans le ruisseau, si ce n’est que leurs pieds reposent sur le sol. J’avais expérimenté cette façon de s’asseoir, chez les aînés qui m’ont accordé l’hospitalité, mais nous étions tous trois sur le même meuble.
Le chevalet, sur lequel je suis lié, est déposé contre un mur, à l’opposé de celui où se tient l’homme qui est venu me voir plusieurs fois dans ma cellule, face à lui. Je suis nu, seule mon intimité est dissimulée par un linge ceint autour de ma taille. Les geôliers apportent maintenant deux braseros dans lesquels des braises rougeoient, et un soufflet. Ils sont accueillis par des acclamations.
Dès qu’ils sont installés, l’un actionne le manche de l’instrument, emplissant son âme d’air qu’il éjecte ensuite, par la tuyère, sur les tisons ; un autre y plonge des fers pour les porter à l’incandescence. Celui qui ventile le fait alternativement sur chaque brasier. Je devine qu’ici, on ne va forger ni vāḷ ni uḻutuṇṭu, ces barres de métal sont destinées à me torturer. Civaṉ, qu’ai-je fait pour mourir ainsi ? Pourquoi veulent-ils me tuer ?
Mon vis-à-vis vitupère ma personne. Ce doit être le rājā, car tous approuvent bruyamment ses invectives. À une exception près, la femme compatissante qui l’accompagna lors de l’une de ses visites – à cette occasion, j’ai vu naître des larmes dans ses yeux à l’énoncé du mot Cantirā –, sise à son côté, elle semble affligée. Je lis de la pitié dans son regard, mais aussi un profond désespoir et de la terreur. Je ne comprends pas ce que dit le harangueur, mais le sens en est clair, et il ne cesse de répéter le nom d’appā.
Un serviteur pénètre dans la salle, probablement un vaiṣya14. Après maintes courbettes, il approche du maître de maison et s’adresse à lui. Lequel se lève et fait une déclaration, provoquant l’enthousiasme de l’auditoire, comme toutes ses assertions.
Des ménestrels entrent, ils portent des instruments ressemblants à des cittarkaḷ et kañcirākkaḷ15. Ils se répartissent entre les tables et jouent une musique que je ne connais pas. Une femme les suit en dansant.
Am’mā ! Je reconnaîtrais ta grâce et la légèreté de ton pas au milieu de mille tēvatācikaḷ. Me taire ! Je ne vois que ton dos, mais je sais que c’est toi ! Que fais-tu ici ? Comment y es-tu arrivée ? Pourquoi honores-tu ces gens d’une Catirāṭṭattiṉ16 ? Sais-tu que je suis là, derrière toi, attaché à un instrument de torture ?
C’est à présent un homme, jonglant avec des balles, qui fait son apparition, puis une jeune fille qui fait tourner des kuccikaḷ entre ses doigts, les lance en l’air, les rattrape et leur fait reprendre leurs rotations. Sudaroli !
Elle pivote sur elle-même, ses yeux s’agrandissent quand elle me voit, elle serre les dents, elle fait maintenant face au rājā. Lequel, en la dévisageant, se dresse brusquement et s’écrie :
« Regardez ! Cette fille, elle a le visage de Chandra ! Saisissez-la ! C’est un autre démon ! Capturez-les tous ! »
Aussitôt, tous les commensaux se lèvent, armés des lames dont ils se servaient pour se goberger, et enjambent les tables pour se ruer sur les nouveaux venus. Aucun doute, cette diatribe les y invitait.
Heureusement, les agresseurs n’ont ni vāḷ ni kavacam, mais am’mā, Sudaroli, le bateleur et les ménétriers sont dans une souricière. Tandis que le jongleur lance ses balles de bois, assommant plusieurs assaillants, les kuccikaḷ de Sudaroli, qui s’est portée à l’avant, tournoient, frappent, piquent, ils ont déjà mis hors de combat six ennemis. Les musiciens sortent qui un talvār camouflé dans sa cittār, qui des Cakkaraṅkaḷ17 dissimulés dans son kañcirā, ce sont des soldats, ils renversent la donne.
Je suis sauvé !
« Chevaliers de la foi ! Tuez-les tous ! » ordonna le rājā.
Civaṉ ! La douzaine de grossières statues de fer alignées contre les murs se mettent en mouvement.
Ce sont des hommes dans des carapaces ! Par une meurtrière, dans le casque qui recouvre entièrement leur tête, j’aperçois des yeux.
Eux sont armés de longues vāḷkaḷ qu’ils tiennent à deux mains. S’ils ne peuvent franchir les tables, ils se déploient pour fermer la nasse – à l’exception des trois plus proches du rājā qui l’encadrent – dans laquelle l’affrontement entre mes secoureurs et les convives touche à sa fin. Ces derniers battent en retraite, en retournant d’où ils viennent, abandonnant leurs morts et leurs blessés.
Les hommes de métal entrent dans le cul-de-sac. Disposés sur deux rangs, ils barrent la seule issue. Les cinq formants la première ligne avancent, vers am’mā, Sudaroli, l’officier Rājapūta et ses guerriers, en exécutant des moulinets avec leurs vāḷkaḷ.
Civaṉ ! Les Cakkaraṅkaḷ rebondissent sur l’acier de leurs incroyables armures, ils sont invulnérables.
Nous sommes perdus !
Un grand tintamarre retentit !
« Hiiiiiiiiiiiiii hiiiiiiiiiiiiii ! »
Gaḍạgaḍạāhaṭa !
Quatre montures surgissent dans la salle. Gaḍạgaḍạāhaṭa, Rādhikā et celle que je devine être Caitālī, car appā est sur son dos, se cabrent, frappent des sabots et font tomber les combattants cuirassés. En deux bonds, le quatrième traverse la pièce, mais… ce n’est pas un cheval, c’est un loup ! Gigantesque.
Tandis que les gardes du rājā fuient, en proie à la terreur, les mâchoires du bhediya se referment sur la tête de celui-ci, qu’il arrache et rejette au loin en ouvrant la gueule en fin de mouvement.
Ignorant mes sauveurs, les séides du rājā s’entretuent.
« Chandra, mon amour, tu es venu me sauver ! » s’exclame la femme compatissante.
« Appā ! » s’étonne Sudaroli.
« Candra ! » s’extasie am’mā.
Appā dont la tête se tourne vers celles qui l’apostrophent semble perdu. Soudain, il interpelle Sudaroli qui se dirige vers moi.
« Sudaroli ! Laisse, je vais libérer Karuppu ṭirākaṉ moi-même ! »
Il pousse Caitālī vers moi, se penche sur sa selle et me dit à l’oreille…
« Réveille-toi ! »
Appā, pourquoi as-tu des ailes ?
« RÉVEILLE-TOI ! »
Mais, tu n’es pas appā, tu es un nāga !
« RÉVEILLE-TOI ! »
Hein !… Qu’est-ce que c’est ? Où suis-je ?
La cellule ! Je suis toujours prisonnier… Ce n’était qu’un rêve !
C’était trop beau ! Enfin, beau, c’est une façon de penser.
« Évade-toi ! »
??? J’entends des voix ! rêvé-je, encore ?
Civaṉ ! Des barreaux sont tordus !
L’intervalle, entre deux d’entre eux, semble avoir subi une constriction, les deux contigus ont également été resserrés. Paradoxalement, seuls ceux situés au centre ont été déformés, les deux extérieurs sont restés droits. J'introduis la tête dans l’espace libre, personne ni d’un côté ni de l’autre, je me glisse hors de ma geôle.
À droite, le couloir ne va pas très loin, trois cachots vides, puis une paroi de roche brute. Je me dirige vers la gauche. Au bout, je vois un escalier et juste avant un renfoncement dépourvu de grille. Je passe devant sept cellules inoccupées, à l’approche de la cavité, je me plaque à la cloison, avance doucement. Je m’immobilise à l’encoignure, écoute. Aucun bruit, pas même de respiration. Je me prépare au combat et surgis dans le poste de garde.
Civaṉ ! Trois hommes sont morts… la poitrine broyée. Hēy18 Civaṉ ! Il y a également un bassin sanguinolent avec des jambes… aucune trace du tronc, des bras et de la tête, des viscères non plus.
Mais, là, accrochés à un râtelier, mes armes… et pendus à un crochet, mon salavāra et ma kamīza, je m’en empare, enf…
« Non ! »
La captivité m’a rendu fou. Je m’apprête à enfiler la seconde jambe…
« Mets leurs vêtements !
— Pourquoi t’obéirais-je ? Qui es-tu ?
— Je suis celui qui t’a libéré !
— Merci, mais ça ne me dit pas qui tu es !
— Fais ce que je te dis, et tu seras sauf.
— Qui es-tu ? Que veux-tu ? Où es-tu ?
— Je t’ai délivré, au lieu de te décider à t’en aller, tu ergotes.
— Leurs habits sont trop grands pour moi, ils vont entraver mes mouvements.
— Hēy ! Évidemment. Dommage, ils t’auraient permis de passer inaperçu.
— Mais, t’es où, vipaccāra viṭuti19 ? Pardon am’mā. Regarde-moi ! Vêtu de noir, dans des couloirs sombres, je serai quasiment invisible !
— …
— T’es parti ?
— …
— Bon débarras ! »
En ayant terminé avec le salavāra et endossé la kamīza, je ceins l’ōrilaicuruḷ autour de ma taille, plaçant la poignée sur ma hanche gauche, pommeau orienté vers le haut. Puis j’empoigne l’aintilaic curuḷ de la senestre et m’engage dans l’escalier.
Arrivé au niveau supérieur, je m’arrête, seuls mes yeux et le sommet de ma tête émergent de la trémie. J’observe. Une pâle lueur lunaire dessine des fenêtres dans la pénombre qui baigne l’immense pièce. Je reconnais le hall que j’ai traversé lorsqu’on m’a amené ici, entravé. Deux torches éclairent les battants fermés du grand portail qui mène à la liberté. De chaque côté se trouve un garde, mais ils semblent inattentifs, appuyés contre le mur. C’est le moment d’en profiter. Je grimpe les dernières marches, pose un pied sur le plancher, m’apprête à faire de même du second…
« Monte encore ! »
Je m’immobilise.
« Pourquoi ferais-je ça ? » pensé-je, en amorçant la redescente.
L’image de la femme compatissante naît dans mon esprit, elle est devant une baie, contemple la lune, baisse les yeux, regarde dans ses mains. Civaṉ ! La briolette d’appā !
Je poursuis mon mouvement de repli.
« D’accord, c’est intéressant, mais réponds à mes questions : qui es-tu ? Que veux-tu ? Où es-tu ? Sinon, je sors d’ici, tout de suite ! songé-je.
— À la demande de Civaperumāṉ, mon père, Vācuki20, m’a chargé de veiller sur toi. Ça répond à tes questions ?
— Tu es le nāga qui m’a réveillé ! Mais où es-tu ?
— C’est compliqué, tu ne peux pas plus me voir que je ne peux te voir, nous partageons le même espace intrinsèque 21. Quand tu l’occupes, je n’y ai pas ma place, pour que j’y apparaisse, il faut que tu disparaisses…
— Hēy ! Je t’ai vu, quand tu m’as réveillé !
— Tu ne m’as pas vu, tu avais les yeux fermés, tu dormais, tu m’as perçu dans ton rêve.
— Quel rêve ?
— Qu’est-ce que j’en sais, moi ? J’avais pris ta place. Je ne le fais que lorsque tu dors. Comment t’expliquer ? Imagine un sac de caṇal dont on a teint l’extérieur en orange et l’intérieur en bleu, quand on retourne le sac, l’extérieur est bleu et l’intérieur orange. Il en va de même pour nous, je suis en toi et chaque fois qu’il est nécessaire que j’intervienne, dès que tu dors, je nous retourne. Ce que j’ai fait pour t’aménager un passage entre les barreaux et éliminer les gardes.
— Tu te moques de moi !
— Non ! Mettrais-tu en doute la parole du nāga chargé, par Civaṉ, de veiller sur toi ?
— Et comment pourrais-tu me protéger si tu ne le peux que lorsque je dors ? Où étais-tu quand un filet est tombé d’un arbre, m’immobilisant ?
— Je n’ai pas dit que je ne peux te supplanter que si tu es plongé dans le sommeil, mais que je m’en abstenais pendant tes périodes de veille. Tu n’aimerais pas du tout ! Tu as déjà cru devenir fou quand je me suis adressé à toi. Que te serait-il arrivé, si tu t’étais retrouvé, conscient, enfermé dans mon corps, à voir, entendre, sentir, ressentir tout ce que je vois, entends, sens et ressens, sans pouvoir agir ? Je ne m’y résoudrai qu’en dernier recours. Quant à me substituer à toi dans les rets, cela risquait d’inciter tes ennemis à mettre fin à nos jours, alors qu’ils se contentaient de t’avoir capturé et neutralisé. Loin de moi l’intention de te flatter ! Mais jusque-là, tu t’étais fort bien débrouillé sans moi.
— J’aurais dû me souvenir de l’adage : “Si un nāga répond à ta question, tu regretteras de l’avoir posée”.
— Que voici une opinion, humaine, bien tranchée, qui m’interpelle. Sais-tu d’où vient ton nom, parce que Karuppu, c’est évident, mais Ṭirākaṉ ?
— Qu’insinues-tu ?
— Je n’insinue rien, je m’interroge, sans plus. Je te demande de te rendre auprès de cette femme avant que l’alerte soit donnée.
— Alors, dis-moi, ô, mon protecteur, pourquoi veux-tu que je la rejoigne ?
— Elle détient le talisman qui liait tes parents. La rupture de ce lien tue ta mère, à petit feu.
— Tu as raison, allons-y ! »
Je regagne le rez-de-chaussée, les sentinelles sont toujours aussi peu attentives.
« Monte ! »
Pieds nus, c’est en silence que j’atteins les solives soutenant le premier niveau. Je m’arrête, observe au ras du sol, prête l’oreille. Aucun doute, le renfoncement que j’aperçois est un poste de garde, il en provient des ronflements, des chuchotements. Avec précautions, je poursuis mon ascension. Des dés roulent, une main claque sur une table, un rire résonne, je m’immobilise sur le palier. Des pièces tintent, les dés roulent à nouveau.
« Je vais où, maintenant ?
— Monte, encore ! »
Je m’engage dans la volée de marches suivante, on ne discerne ni le contact ni le décollement de mes pieds sur la pierre qui les compose. À l’approche du deuxième étage, je réitère des examens visuels et auditifs.
Rien en vue et pas un bruit.
« À présent ?
— Elle est dans la pièce qui te fera face quand tu sortiras de la cage d’escalier. »
J’avance à pas de loup jusqu’à l’huis, il comporte une poignée à poucier. J’appuie sur celui-ci, pousse légèrement le battant, relève doucement le pouce, la clenche redescend sans heurt hors du mentonnet. J’attends. Aucune réaction, j’entre. Elle est debout, face à la baie, se retourne, regarde vers moi, elle est surprise, soulagée. Elle met son index devant sa bouche, me désigne une tenture, joint les mains – entre ses doigts, la briolette –, les porte à son visage, le dos de la gauche contre sa joue droite, elle penche faiblement la tête de ce côté.
Elle vient vers moi, je vais vers elle. Elle pose ses paumes, en coupe, autour de ma figure – le bijou frôle ma peau –, m’examine, sourit et chuchote :
« Þu bist bearn, his bearn… sē Chandra eaforan !
— Cantirā est mon appā, savez-vous où il est ? m'enquiers-je, sur le même ton.
— Þu wilt bist sóna mann ! ajoute-t-elle.
— Cantirā, où est Cantirā ? » insisté-je.
Pour toute réponse, elle prend ma main et délicatement la pause sur son ventre, son sourire s'épanouit.
« Þu fēlst ? sē biþ þīn fæderenbróðor, sē Chandra eaforan ! »
Civaṉ ! Elle porte un enfant ! d’appā ! Am’mā, que va…
Un grand vacarme résonne à l’extérieur de la chambre, des hommes courent dans les escaliers, je reconnais le bruit caractéristique des armes ébranlées par le rythme des pas. Des cris retentissent :
« Tó gewǣpnu ! »
« Sē gehæftend ābræc ! »
« Tó gewǣpnu ! »
« Il faut partir, prends le talisman ! »
Il y a du mouvement derrière la tenture qui ferme la garde-robe.
« S’il vous plaî… »
« Prends-le !
— Pas comme ça, je… »
Ma main, non, sa main arrache le diamant de celle de la femme.
« Non !
Tais-toi ! »
Alors qu’elle pâlit, défaille et s’écroule, je ? Il ? Nous ! Nous nous… non ! Je me précipite vers la baie, me jette dans le vide, mes ailes s’ouvrent, claquent dans le vent.
Je vole !
Aubierge
« Blabla, blablabla…
— … cris… sortis… par ter… envol…
— …Mire… enfant…
— Blablabla…
— Blablabla… »
Tap tap tap…
« Blabla… respirer… sels !
— Humpf ! »
Alwealda ! Comment est-ce possible ? Il avait des écailles et des ailes ! Niall aurait-il raison ? Chandra est-il un démon ??
« Envolé ? » hurle Niall.
Alwealda ! Un démon croît-il en moi ??????????????????????????????????????
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    ou 

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Notes :
Bien que vierge au début de ce paragraphe, élevé au milieu d’une centaine de devadāsī, le fils de Vasikari n’est pas ignorant des pratiques sexuelles. Il n’est pas une seule des jeunes devadāsī qui n’ait rêvé initier ce beau jeune homme dépourvu de toute pilosité. Nombreuses sont celles qui l’ont invité à les accompagner à leurs cours de formation aux plaisirs. S’il a toujours refusé d’y participer, il y a assisté assez souvent pour avoir une connaissance théorique très complète.
1) Civa liṅkam சிவ லிங்கம் ➢ Śiva-liṅgaṃ शिव लिङ्गं (sanskrit) ➢ représentation de Civaṉ. Celui qui se trouve dans la Vimāṉam du Tañcaip peruvuṭaiyār kōyil mesure, selon les sources, 12 ou 13 pieds de haut (près de quatre mètres) .
2) Vimāṉam (விமானம்) ➢ vimana : tour pyramidale à base carrée, celle du Tañcaip peruvuṭaiyār kōyil composée de 13 niveaux mesure 66 mètres.
3) Offler ➢ respirer bruyamment.
Verbe trouvé, non pas en soulevant un coin du tapis, mais dans “Onomatopées, délocutivité et autres blablas”
Jean-Claude Anscombre (CNRS-LT2D Cergy-Pontoise) Revue Romane, Bind 20 (1985) 2 page 179 de la revue, page 11 du PDF de l’article.
Extrait du paragraphe consacré aux fonctions onomatopéique et signifiante de “Ouf!” :
« d) La lexicalisation — par délocutivité formulaire — de cette valeur illocutoire d’expression du soulagement fournit l’interjection Ouf! actuelle. Il y a plusieurs arguments en faveur de cette thèse: d’une part, cette fonction onomatopéique n’a pas totalement disparu ; elle sévit notamment dans le domaine de la bande dessinée, où elle symbolise l’air qui sort brutalement des poumons d’une personne gratifiée d’un coup de poing dans l’estomac. D’autre part, la représentation du soulagement par le biais de la respiration est banale: Ouf! Je respire, Laisse-moi souffler cinq minutes, On va enfin pouvoir respirer,… etc. Enfin, l’ancien français possédait le verbe offler "respirer bruyamment", qu’il semble difficile de ne pas rapprocher de Ouf ¡Off, soit que le verbe ait donné naissance à l’onomatopée, soit qu’à l’inverse l’onomatopée ait servi à former un verbe onomatopéique. » [sic]
(Les règles anglo-saxonnes de ponctuation sont du fait de la revue, le soulignement est du mien.)
4) Apcarā அப்சரா (pluriel apcarākkaḷ அப்சராக்கள்) ➢ du sanskrit apsarā अप्सरा (pluriel apsaras अप्सरस्) ➢ nymphes célestes, elles sont compagnes des musiciens-centaures [gandharvās], amantes des dieux [deva] comme des titans [asura] ; elles font répandre leur semence aux sages [ṛṣi]. On dit que les apsaras sont capables de changer de forme à volonté et de régner sur la fortune des jeux et des paris.
5) Jyēṣṭha kā candravāra ज्येष्ठ का चन्द्रवार ➢ un lundi de jyēṣṭha.
candravāra चन्द्रवार ➢ lundi, de lune ➢ Candra चन्द्र.
Jyēṣṭha ज्येष्ठ le troisième mois du calendrier चैत्र caitra.
Pour être plus clair le 23 giamoni (si c’était bien le dernier candravāra de Jyēṣṭha, le 16 ou le 9, voire le 2 sinon). Ha ! Bien entendu – les calendriers hindous et celte n’ayant pas la même méthode pour compenser la différence entre les cycles lunaires et solaires –, cette correspondance n’est valable que cette année-là (621 du calendrier de Shay).
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« Il y a sept jours dans une semaine et ils s’appellent vāra. Les noms des jours sont basés sur le Soleil, la Lune et les cinq principales planètes, similaires aux noms répandus en Europe. Divers synonymes sanscrits sont donnés dans la liste suivante. Les noms les plus courants sont donnés en italique. La liste est assez exhaustive mais ne prétend pas l’être absolument.
Jours de la semaine.
1. Dimanche. Āddi,² Aditya, Ravi, Ahaskara, Arka, Aruṇa, Bhaṭṭāraka, Aharpati, Bhāskara, Bradhna, Bhānu etc.
2. Lundi. Soma, Abja, Chandramas, Chandra, Indu, Nishpati, Kshapākara, etc.
3. Mardi. Maṅgala, Aṅgāraka, Bhauma, Mahīsuta, Rohitāṅga.
4. Mercredi. Budha, Baudha, Rauhiṇeya, Saumya.
5. Jeudi. Guru, Āṅgirasa, Bṛihaspati, Dishaṇa, Surāchārya, Vāchaspati, etc.
6. Vendredi. Śukra, Bhārgava, Bhṛigu, Daityaguru, Kāvya, Uśanas, Kavi.
7. Samedi. Śani, Saurī, Manda.
² Le mot vāra est apposé à chacun de ces noms ; ravi = soleil, ravivāra = dimanche. »
Robert Sewell and Śankara Bālkṛishṇa Dīkshit. The indian calendar… London : Swan Sonnenschein & Co, 1896. Part I. page 2 (approximativement traduit de l’anglais par mes soins).
Je n’ai pas besoin de t’expliquer pourquoi j’ai choisi ce jour de la semaine et le nom candravāra.
Tu veux satisfaire ta curiosité et essayer de t’y retrouver dans le casse-tête des calendriers hindous ? Tu lis l’ouvrage cité ci-dessus (quasiment tous les articles du web en sont inspirés). Sinon lis l’article d’icalendrier, c'est le plus clair (le seul dans lequel j’ai tout compris).
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Note sur les portes spatio-temporelles :
Ne pas confondre avec les ponts d’Einstein-Rosen (vortex, trou de ver), qui servent à se déplacer dans l’espace. Les portes spatio-temporelles, elles, permettent de passer d’une réalité à une autre, elles jouent avec les dimensions. Il en est une qui est capricieuse, le temps.
Il ne t’a, bien sûr, pas échappé que Chandra “avai[t] quitté une sylve près de Banārasa un matin proche du solstice d’été, pour apparaître dans une autre quelques jours après l’équinoxe d’automne” (cf. chap. Le conteur). Karuppu ṭirākaṉ, lui est arrivé dans le monde de Shay à la seconde même ou il a quitté celui de Banārasa.
6) Alors que précédemment karuppu ṭirākaṉ se souvenait de conversations en hindi, ici il évoque le nom de son père dans sa langue, le tamoul : சந்திரா ➢ Cantirā ➢ hindi चन्द्र ➢ Candra ➢ prononciation ➢ Chandra.
7) cf. chapitre : La divergence.
8) cf. chapitre : Explication de texte.
9) Vaṇakkam வணக்கம் ➢ Namaskāra नमस्कार ➢ Namasté muet.
10) Paṇṭiṭ பண்டிட் ➢ Paṇḍita पण्डित ➢ Pandit : un érudit ou un enseignant. Lettré qui a étudié les Vedas, ainsi que les mélodies afin de les chanter au cours des rituels.
11) Rutravās ருத்ரவாஸ் ➢ Rudrāvāsa रुद्रावास ➢ Là où Rudra (Shiva) réside. Autre nom de Banārasa également connue sous les noms de Vārāṇasī वाराणसी et kāśī काशी. Selon la mythologie, la ville de Kashi a été fondée par Shiva il y a environ 5000 ans.
  Kāśī viśvanātha mandira काशी विश्वनाथ मन्दिर ➢ Temple de Kashi Vishwanath.
  Viśvanātha ➢ Seigneur de l’Univers (épithète de Shiva).
12) Aracaṉ அரசன், pluriel aracarkaḷ அரசர்கள் ➢ Roi.
  Cōḻar சோழர் ➢ Chola, célèbre dynastie de rois tamouls, dont l’emblème était le tigre. À son apogée en 1050 apr. J.-C. ils régnaient sur l’Inde dravidienne (la moitié sud de la péninsule indienne), l’Inde orientale, Java, Sumatra, la Malaisie, les Maldives et le nord du Sri Lanka (d’où le nom “Tigres tamouls” prit par les rebelles tamouls en révolte contre le pouvoir singhalais).
13) Þyrs ➢ géant, enchanteur, démon – Vieil anglais. (Concept assez proche de celui de Jötnar, dont celui que Chandra appelle Bhediya prétend descendre.)
14) Vaiṣya வைஷ்ய ➢ vaiśya वैश्य ➢ vaishya, caste des artisans, commerçants, hommes d'affaires, agriculteurs et bergers. Classe de laquelle sont issus les serviteurs des tâches nobles.
15) Cittarkaḷ சித்தர்கள், singulier cittār சித்தார் ➢ sitar (instrument à cordes frottées, popularisé en occident par Ravi Shankar dans les années 60 et en particulier lors de sa prestation à Woodstock).
  Kañcirākkaḷ கஞ்சிராக்கள், singulier kañcirā கஞ்சிரா ➢ kanjira, tambourin dont la membrane est en peau d'iguane.
16) Catirāṭṭattiṉ சதிராட்டத்தின் ➢ satiratam (littéralement : conspiration), danse exécutée par les tēvatācikaḷ dans les temples du Tamil Nadu. Le paratanāṭṭiyam பரதநாட்டியம் ➢ bharatanāṭyama भरतनाट्यम ➢ baratanatyam en est la forme profane, codifiée, actuelle.
17) Talvār தல்வார் ➢ Talavāra तलवार ➢ talwar. Sabre rajput.
  Cakkaraṅkaḷ சக்கரங்கள் ➢ cakramoṃ चक्रमों, singulier cakram சக்ரம் ➢ Cakrama चक्रम ➢ chakram.
18) Hēy ஹேய் (tamoul)➢ are अरे (hindi)➢ interjection (hé ! oh ! ah !).
19) Composé de : vipaccāra விபச்சார ➢ prostitution et viṭuti விடுதி ➢ auberge.
20) Vācuki வாசுகி (tamoul)➢ Vāsuki वासुकि (hindi). cf. intermède : Explication de texte.
21) Aucun rapport avec les espaces métriques intrinsèques.

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