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07 juillet 2022

Annexe A (comme annexe)

Comme cette histoire d’oreilles t’intrigue, je vais donc te la transmettre.
Je l’ai trouvée dans la mémoire de l’un de tes contemporains,
vivant dans une réalité très proche de la tienne.
Je serais bref. ☺
 
Ça c’est passé entre la route de Dangeul et celle de Marolles-les-Braults, à la ferme de Jules et Marinette. C’était au temps où le voisin était à une heure de marche par le chemin de traverse. Par la route ne venaient guère que le facteur avec qui on partageait le dix heures, et des Parisiens qui avaient perdu leur chemin.
Donc, ce soir-là, une soucoupe volante se posa dans la cour de la ferme. Jules qu’avait vu l’film à la tévé, dit à Marinette : « prépare la soupe aux choux ! »
Quand la porte s’ouvrit, ce ne fut point « la Denrée » qui apparut, mais un genre de Spock avec les oreilles pointues comme il se doit. Vêtu d’une tenue gris bleu – laquelle moulait littéralement toute son anatomie –, il était suivi par une créature que Jules assimila immédiatement à Barbarella. Son visage était encadré de pavillons identiques à ceux de son partenaire, mais ce n’était pas ce que regardait l’Jules. S’il avait été un personnage de Tex Avery, ses yeux s'évaderaient de sa tête, sa langue traînerait par terre et il taperait du pied en hurlant. Son esprit vif lui permit d’adapter à la situation le texte préparé quelques minutes plus tôt :
« M’sieu-dames, rentrez don à la maison, prendrez bein, p’tite assiette d’soupe aux choux. »
Les visiteurs échangèrent un regard interloqué, puis entrèrent, suivis par Jules.
Marinette s’empressa d’enlever son d’vantiau et d’se passer la main dans les ch’veux pour les faire gonfler. C’est qu’sait r’cevoir, la Marinette.
Spock, dans un français digne d’un présentateur du vingt heures, déclara :
« Je vous remercie de cette aimable invitation, mais nous ne sommes pas venus pour déguster vos spécialités culinaires. Nous sommes rédacteurs du guide galactique du tourisme sexuel. Nous souhaitons avoir des rapports avec vous en tant que représentants de votre planète.
— Des rapports ? Vous voulez dire des trucs pornos ? s’exclama Jules.
— Des rapports sexuels, oui, c’est bien cela, répondit Spock.
— Ensemble ? Tous les quatre ? réussit à articuler Jules près d’une minute plus tard.
— Si c’est votre pratique, oui, nous nous conformons aux usages locaux, précisa Barbarella.
— Heu ! Bein ! on cause ent’nous et on v’dit. »
L’Jules et la Marinette tinrent un conciliabule dans un coin de la pièce.
« Qu’est q’t’en penses ?
— Bein j’ch’ais pas moi, et toi ?
— Bein j’ch’ais pas non plus ! »
Mais la Marinette, même si elle ne connaissait pas le mot, elle voyait la concupiscence dans les yeux d’son Jules et dans sa façon de s’gratter là où qu’ça s’fait pas. Aussi dit-elle :
« J’vois bein qu’tu la trouves gironde, l’iti, ça t’f’rait plaisir hein ?
— Bein, c’est qu’c’est pas tous les jours qu’on a une occase pareille, on dit oui ?
— Not’nom dans l’guide galamachin ça en jet’ra, allez, c’est oui ! » conclut la Marinette.
L’jules et Barbarella passèrent la nuit dans la chambre “pour quand y a du monde”.
La Marinette et Spock eux profitèrent du lit de la pièce à vivre.
Le lendemain, lorsque l’Jules se réveilla Barbarella n’était plus dans le lit, il regarda par la croisée : plus de soucoupe. Il se rendit dans la cuisine-chambre-salle à manger, et là, ho ! surprise, la Marinette, elle dormait. À six heures !
C’est un bon gars, l’Jules, aussi il alluma la cuisinière, mit le café à réchauffer, posa sur la table le beurre, le camembert, la terrine de rillettes et le pain. C’est quand il tira la bancelle pour s’asseoir que la Marinette s’éveilla.
Elle se leva, l’embrassa, prit la cafetière, s’assit en face de lui, se servit une tasse, y trempa les lèvres et remarqua l’air bougon de son homme.
« Alors, raconte comment ça s’est passé, l’interrogea-t-elle.
— Bein, j’ai pas dormi d’la nuit, tu m’connais, j’y ai fait voir les étoiles, commença-t-il, en ignorant le sourire indulgent de sa femme.
— Pis après c’te folle m’a tripoté les oreilles toute la nuit », poursuivit-il.
Marinette explosa de rire, laissant tomber le couteau et la tranche de pain qu’elle tartinait.
« Bein, c’est quoi qui t’fait rire, toi aussi t’a tripoté les oreilles ? »
Le rire de Marinette redoubla.
« Arrête, t’vas m’faire pisser su’l’banc ! »
L’Jules regarda ses yeux battus, sa mine réjouie et ses joues rouges et il demanda :
« Raconte, toi. Comment ça s’est passé ?
— Bein, au début c’était bien, pas mieux qu’toi, mais vraiment bien... bon, merde, m’a fait jouir deux fois avant d’ramollir. Et c’est là qu’m’a dit “pétris mes oreilles !” j’ai pas osé, l’a insisté, j’les ai tripotées, et l’est r’d’venu raide comme une trique, chaque fois qu’y m’inondait, j’tripotais et on r’partait pour un tour. J’te raconte pas la fête foraine. À cinq heures, j’ai abandonné. Ta Barbarella est sortie d’vot chamb', m’ont d’mander d’te saluer pour eux, pis sont partis.
🛸 🛸 🛸
Depuis y a pas une fête – fin des moissons, pressage du cid, passage du bouilleur de cru, mariage, naissance, et même enterrement quand, d’son vivant, l’défunt l’était joyeux luron – entre René, Lucé-sous-ballon, Saint-Aignan et Monhoudou, sans qu’y en ait un, ou une, qui au dessert lance un “les Oreilles !”, repris en chœur par toute la tablée qui le scande en tapant s’l’plateau.
Et l’Jules, c’est p’têt pas un super coup, mais c’est un très bon gars – C’est pour ça qu’la Marinette, elle l’aime, son Jules, et même qu’elle l’changerait pas pour un avé des oreilles pointues –, alors y raconte leur rencontre avec les itis.
Ne va surtout pas t’imaginer que j’aurais implanté cette histoire dans la mémoire de Scáthach. Pourquoi aurais-je fait cela ? Je n’ai aucun intérêt à influer sur le choix des partenaires de la rouquine ! Et je ne manipule pas les gens ! u me crois, bien sûr !

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